A l’Assemblée, Wauquiez obtient une commission d’enquête sur les «liens» entre partis politiques et réseaux islamistes
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Les sportifs appellent ça un lot de consolation. Après sa lourde défaite pour la présidence du parti Les Républicains (LR), face à Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez comptait bien se refaire la cerise avec le lancement d’une commission d’enquête «sur les liens entre les mouvements politiques et les organisations propageant l’idéologie islamiste». La manœuvre visait uniquement La France insoumise (LFI), l’épouvantail fétiche du député de Haute-Loire. Après avoir subi un revers à l’Assemblée, mardi 3 juin, la commission des lois jugeant sa proposition irrecevable, Wauquiez a remis le couvert. Et les mêmes députés ont approuvé, mercredi 18 juin, par 29 voix contre 27, sa demande de commission d’enquête.
«Nous n’avons rien lâché. Face aux compromissions, il est temps de faire toute la lumière, a trompeté l’élu sur X. Les Français ont le droit de savoir !» L’exposé des motifs de la proposition de résolution créant la commission donne le ton d’un coup purement tactique : «L’islamisme a déclaré la guerre à la France. […] Face à ce constat, le devoir des élus et responsables politiques est de faire obstacle par tous moyens aux organisations et individus qui propagent l’islamisme, nourrissent l’antisémitisme ou soutiennent l’action terroriste.» Sans jamais citer nommément LFI, le député pointe «un faisceau d’indices dessinant de potentiels liens de complaisance et de soutien entre des représentants de mouvements politiques et des réseaux islamistes voire terroristes».
Celui qui fait de l’œil à Reconquête et à Sarah Knafo mentionne la marche contre l’islamophobie, lancée en 2019 à l’initiative du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) – dissous deux ans plus tard – à laquelle avaient participé plusieurs responsables de gauche, dont Jean-Luc Mélenchon. Il cite aussi des rassemblements organisés par le collectif Urgence Palestine, contre lequel une procédure de dissolution a été engagée par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
«Personne n’est dupe de la façon dont cette commission va se dérouler», pronostique déjà un proche de Wauquiez. La droite – ou du moins les pro-Wauquiez – ne va pas se priver de médiatiser sans pincettes cette tentative de cibler LFI. Quitte à accoucher d’un rapport qui servira à caler une armoire… «Chez notre électorat, il y a une vraie peur de Mélenchon, rapporte le même conseiller. En 2017, c’était la peur des rouges, des impôts, comme en 1981. En 2022, c’est la peur du parti de l’étranger…»
La manœuvre agace déjà. «Le vrai sujet, c’est l’instrumentalisation, quels que soient les groupes, des commissions d’enquête, au point de discréditer cet outil précieux», déplorait un député macroniste début juin, au moment du rejet de la première tentative. A l’époque, la droite soulignait la forte mobilisation des députés de gauche pour s’y opposer, mais aussi la trop faible implication du RN et les quelques abstentions dans le camp macroniste. Résultats : 23 voix pour et 23 contre. La proposition avait été rejetée.
«Voilà ce qui arrive lorsque l’on confond l’Assemblée et le plateau de CNews», avait alors moqué la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot. Sur Facebook, Wauquiez avait joué, lui, l’indignation. «Scandale à l’Assemblée nationale», s’offusquait-il dans une vidéo postée le 10 juin, tout en assumant de vouloir «braquer les projecteurs sur leurs liens avec l’islamisme». Pas de quoi effrayer le président du groupe macroniste Ensemble pour la République, Gabriel Attal, qui a soutenu Wauquiez dans sa seconde tentative.
Le groupe LR a déjà confié la rédaction du rapport de la commission à Vincent Jeanbrun, député du Val-de-Marne. Reste à trouver un président, qui pilote les auditions. La tradition veut que le poste revienne à un élu d’opposition. «L’idéal, c’est un socialiste en rupture avec LFI», se prend à rêver un proche de Wauquiez. Qui pense, plus sérieusement, à un élu ciottiste ou RN. Histoire de réinventer un «cordon sanitaire» à (l’amer) sauce «union des droites».
Libération