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Aide à mourir : les députés débattent sur les critères, presque inchangés

Aide à mourir : les députés débattent sur les critères, presque inchangés

La deuxième semaine de discussions sur la fin de vie s’est ouverte, lundi 19 mai au Palais-Bourbon, sur l’un des articles le plus clivant de la proposition de loi sur l’aide à mourir. Le quatrième. Ou, pour ceux qui ne maîtriseraient pas le texte ardemment défendu par le député (Les Démocrates) Olivier Falorni : celui décrivant les cinq critères cumulatifs à remplir pour être éligible. Conditions «équilibrées» affirme le rapporteur général. Suffisamment «strictes» pour une partie de l’hémicycle ; trop «floues» et ouvrant la porte à des dérives, ont argué les opposants au texte. Ils n’ont globalement pas eu bonne cause. A l’exception d’un sujet qui a longuement agité l’Assemblée nationale : la prise en compte de la souffrance psychologique.

Pour demander l’aide à mourir, le texte actuel prévoit plusieurs conditions. Il y a l’âge (18 ans) – approuvé samedi soir – et la nationalité (française ou résidence stable). Il faut aussi être atteint «d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale». La version issue de la commission prévoyait la présence d’une «souffrance physique ou psychologique», «soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne» si elle a décidé de ne pas recevoir ou d’arrêter son traitement. Protestation de parlementaires : cette formulation pourrait laisser entendre qu’une souffrance psychologique seule pourrait rendre la demande éligible. «Nous avons des alertes de psychologues, psychiatres, psychanalystes […] leur rôle au quotidien est de convaincre leurs patients qu’il y a [une issue pour eux]. On enverrait un mauvais message», a lancé Annie Vidal (Ensemble pour la République) – d’ailleurs co-rapportrice de la proposition de loi sur les soins palliatifs. «Il y a une fluctuation de la volonté, la souffrance psychologique peut être constante ou temporaire, c’est un élément non négligeable», a par la suite ajouté son collègue LR Thibault Bazin.

Pas de quoi convaincre Olivier Falorni, ni la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. «Une souffrance psychologique en soi n’ouvre en aucun cas l’aide à mourir, elle doit être liée à l’affection grave et incurable», a répété le rapporteur général. Argument appuyé par la ministre : «Nous sommes dans le contexte d’un patient dans un parcours de soins», «atteint d’une affection grave et incurable qui engage son pronostic vital : je ne veux pas qu’on laisse penser qu’on ne regarderait qu’une douleur psychologique». Autre objection du LR Philippe Juvin, attaché à rappeler le risque d’inclure des patients atteints de troubles psychiatriques : «Un schizophrène qui fait de multiples tentatives de suicide c’est grave, incurable Sous-entendu : ces tentatives engageraient le pronostic vital. «Ça n’a aucun sens», a balayé Olivier Falorni.

Les députés n’en ont pas moins approuvé deux amendements, portés par des parlementaires Horizons, Liot et LR : à ce stade, la souffrance psychologique devra donc être «constante» et ne pourra, «seule», «en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir». Contre l’avis du gouvernement et des rapporteurs, donc. Car tout au long des débats, Olivier Falorni a gardé sa position, sans concession : «La version actuelle est la meilleure écriture possible», avec un «équilibre patiemment tissé». La position de Catherine Vautrin est globalement identique.

Le seul amendement du gouvernement, approuvé plus tôt dans la journée et soutenu par les rapporteurs, visait à préciser un autre point d’achoppement : la définition de la «phase avancée» de l’affection. L’ajout de la ministre consistait surtout à reprendre celle posée en début de mois par la Haute Autorité de santé : la phase avancée est «l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie.»

Définition satisfaisante pour les uns ; toujours trop floue pour les autres. «Veut-on ouvrir [l’aide à mourir] pour les gens à la fin de leur vie, ou ceux qui ont encore plusieurs années à vivre ?» s’est enquis Philippe Juvin. «Mais dans quelles conditions pourraient-[elles] vivre ? Dans quelles conditions on voudrait leur imposer de vivre si on sait qu’elles vont mourir ?» a protesté Stéphane Delautrette. Selon l’élu PS, la «vraie question» est celle «des souffrances». «Vous souhaitez qu’on [les] impose à ces personnes […] tant qu’elles ne seront pas en agonie. Je pense que ce n’est pas humain.»

Le dernier critère, être «apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée», a quant à lui été épluché dans la soirée de lundi. Maintenu en l’état. Certains parlementaires ont voulu ajouter l’assurance d’un accès préalable à des soins palliatifs (voire à des soins tout court). L’argument a rassemblé des élus de droite mais aussi de gauche, alors que les déserts médicaux, les délais de rendez-vous à rallonge et l’état de l’hôpital public sont devenus une chronique sans amélioration depuis des années. Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) a même plaidé pour en faire un critère en soi. Son collègue socialiste, Dominique Potier a abondé en son sens, pointé le risque d’une «inégalité républicaine», que ceux n’ayant pas accès à des soins puissent recourir à l’aide à mourir faute de mieux. Les rapporteurs de texte et la ministre ont jugé que cet élément est contenu dans de prochaines dispositions du texte.

Ces amendements ont tous été rejetés. De même que ceux visant à écarter toutes les personnes sous protection judiciaire, atteintes de troubles psychiatriques ou de déficiences intellectuelles. Une protection des plus vulnérables, ont argumenté leurs défenseurs. Un risque de stigmatisation, a répondu Olivier Falorni. Une fois encore, le rapporteur général a tenu à souligner l’équilibre de son texte (au-delà du seul article 4) : en l’état actuel, les personnes doivent être jugées «aptes» à exprimer leur volonté libre et éclairée, la procédure «prévoit la réitération de la volonté», et écarte toute personne «dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche».

Malgré les dissensions, le ton est resté à l’image des jours précédents : calme. Quelques protestations lancées de-ci de-là dans un hémicycle assez clairsemé, des critiques sur la centaine d’amendements déposés par Gérault Verny – signes d’une possible obstruction dont se défend le député ciottiste – mais pas de coups d’éclat. Les différents votes de lundi doivent encore être confirmés par un scrutin sur tout l’article. 1446 amendements sur l’ensemble du texte doivent encore être examinés. Reprise des débats ce mardi après-midi.

Libération

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