Après Michel Barnier, la législative partielle à Paris suscite l’intérêt de Rachida Dati

Qu’ils étaient flatteurs, ces mots écrits dans son dernier livre, Ce que j’ai appris de vous, publié en juin… Rachida Dati ? «C’est une femme qui en veut, raconte Michel Barnier. Elle a du tempérament et parfois de la hargne. […] Fidèle à ses racines, elle s’est faite avec de l’ambition, du culot, du travail. Elle n’est pas banale, même quand elle bouscule ou provoque.» Vingt-quatre heures après son annonce de candidature à une législative partielle à Paris, l’ex-Premier ministre a-t-il reçu un texto «vengeur ou menaçant», une vieille habitude de la sarkozyste, comme il l’écrit dans ses pages ?
Apprenant la nouvelle lors de la conférence de presse de François Bayrou, mardi 15 juillet, sur les mesures d’économies pour le prochain budget, Dati était «furieuse», rapporte une ministre présente : «Elle s’animait sur son téléphone.» Selon une information du Parisien publiée ce mercredi 16 juillet, la ministre de la Culture serait sur le point de se lancer dans la campagne électorale. Cette partielle a été provoquée par l’invalidation, par le Conseil constitutionnel, de l’élection en juillet 2024 de Jean Laussucq, un proche de Dati. Dorée, à en croire les spécialistes de la carte électorale parisienne, la deuxième circonscription de la capitale suscite depuis des convoitises… Le scrutin doit avoir lieu d’ici à octobre.
Sollicité, l’entourage de la ministre de la Culture n’a pas répondu à Libération, mais affirme au Parisien que Dati «assumera ses responsabilités dans cette partielle qui arrive de manière inattendue» et qu’elle a demandé à «être entendue» par la Commission nationale d’investiture (CNI) des Républicains. «A minima, un gros coup de pression est mis à Barnier et à ceux qui le soutiennent», commente de son côté un conseiller LR de la capitale.
Chez Les Républicains, personne ne confirme la candidature de Dati. Un conseiller renvoie vers le visuel du parti publié après l’annonce de la candidature de Barnier : «Notre prochain député. Michel Barnier est candidat aux législatives partielles dans la deuxième circonscription de Paris.» Le choix devra être tranché par la CNI et sa patronne, Annie Genevard. La prochaine convocation de l’instance est prévue le 28 juillet. L’hypothèse d’un match entre l’ancien locataire de Matignon et l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy fait pourtant déjà saliver les aficionados des vaudevilles made in LR. Et interroge… Quel intérêt Dati aurait-elle à se présenter elle-même pour succéder au député sortant, son ancien directeur de cabinet, qu’elle avait placé ? «Qui dit parlementaire, dit immunité…» glisse un élu d’arrondissement LR. Une motivation pour la ministre empêtrée dans plusieurs affaires judiciaires ?
Candidate déjà déclarée à la mairie de Paris pour succéder à Anne Hidalgo, Dati pourrait également voir d’un mauvais œil l’implantation d’un poids lourd LR dans son fief du VIIe arrondissement. Voire une ombre pour les municipales de 2026, alors que Barnier ne cache pas ses ambitions nationales… «Elle a compris que si elle le laisse, c’est la voie royale pour lui pour la mairie, avance un collaborateur LR. Donc elle va le buter à mains nues, couteau entre les dents. Barnier, c’est le papy bourgeois, incapable de gagner une élection depuis des années… Contre le fauve politique qui joue à domicile ? Dati met la machine en route du VIIe [arrondissement] et elle l’ouvre en deux.» Ambiance. La campagne des européennes de 2009, durant laquelle Dati et Barnier menaient en duo la liste de la majorité UMP en Ile-de-France paraît loin…
Ceux qui se souviennent du pataquès au sein du fragile «socle commun» pendant les législatives anticipées de 2024 et les défaites à la pelle de la droite parisienne depuis 2001, eux, se mordent les doigts. «Ils vont tous se mettre sur la tronche et on va partir plus divisés que jamais dans la capitale, sans candidat qui fait l’unanimité, désigné à l’arrache en octobre, anticipe une cadre LR. On aura tout fait pour perdre.»
Les macronistes balisent aussi, alors qu’ils risquent de perdre un siège dans l’affaire. Sans compter qu’une partie du camp présidentiel rechigne à se voir représenté à Paris par la clivante ministre de la Culture… «[Gabriel] Attal s’est mal démerdé, tique la même ministre. Il aurait dû préempter les deux circonscriptions [un autre député macroniste, Stéphane Vojetta, a été contraint de démissionner après la décision du Conseil constitutionnel, rendue le 11 juillet, ndlr].» Les macronistes ne goûtent pas davantage à la charge de Barnier, menée à la hussarde… «Il dit vouloir rassembler localement et politiquement mais il y va sans avoir parlé à Gabriel et contre Dati», rumine un proche d’Attal. L’espoir d’un candidat Renaissance anime toujours les macronistes. «Barnier, ça écrase tout, reconnaît pourtant la même ministre. On ne peut pas se présenter face à lui, on va se faire écraser.» Encore faut-il que le Savoyard ne renonce pas à se jeter dans le bain.
Libération