Au Royaume-Uni, Nigel Farage, roi du Brexit et de TikTok


Sur TikTok, Nigel Farage, leader du parti conservateur et anti-immigration Reform UK, a beaucoup de succès. “Il a presque trois fois plus d’abonnés que les travaillistes et les conservateurs réunis”, note le média de gauche britannique Novara.
Alors, le quotidien The Guardian se demande : “L’influence en ligne du parti va-t-elle se transformer en bulletins de vote ? Et, si ce n’est pas le cas, pourquoi Farage mise-t-il autant sur sa présence sur les réseaux ?”
En juin 2024, Novara titrait : “Nigel Farage drague les hommes (surtout les jeunes)”. Et pour cause : “Selon [l’institut de sondages] YouGov, si le Parti travailliste a toujours le vent en poupe chez les jeunes, ces derniers sont plus susceptibles de voter Reform UK que les 25-29 ans”, note le média de gauche britannique.
Mais Farage cherche à séduire une catégorie bien particulière de jeunes hommes, les “jeunes hommes des anciennes grandes villes industrielles et de la campagne qui se sentent oubliés”, précise l’article.
“Regardez un peules dernières apparitionsde Farage. Entre les grandsplateaux télé et son émissionsur GB News, il a investices derniers mois une nichebien particulière : cellesdes podcasts vidéo dedéveloppement personnel– plutôt classés à droite –destinés aux jeunes hommesqui veulent réussir dansles affaires et la finance.”
Le média de gauche britannique “Novara”

Et la stratégie de Farage a l’air de fonctionner.
À Clacton, une ville côtière du sud-est de l’Angleterre, Novara a interrogé Edward, laveur de vitres, qui a déclaré qu’il aimait beaucoup les blagues de l’homme politique.
“Il décrit l’ancien tradeur comme un ‘homme du peuple’ dont le discours est très intéressant, notamment ‘pour les gens de [s]on âge’”, ajoute le site.
“Et ce n’est pas pour des questions idéologiques”, précise Novara, qu’Edward soutient Reform UK, c’est surtout parce qu’il est touché par la flambée des prix.
“Tout coûte beaucoup plus cher, des attractions sur la jetée au prix de la nourriture, et j’en passe. Je peux vous que dire que c’est de plus en plus dur de joindre les deux bouts. À 100 %”, raconte le jeune homme.

Selon Dan Evans, sociologue et auteur du livre A Nation of Shopkeepers (“Une nation de boutiquiers”, non traduit), Nigel Farage s’inscrit dans la continuation de Margaret Thatcher et de son “capitalisme populaire”.
Il le remanie simplement pour une nouvelle génération “qui n’a pas connu la mobilité sociale dont avaient bénéficié leurs parents sous les précédents gouvernements conservateurs, et surtout pour ceux qui sont toujours restés au même endroit”, développe Novara.
Keir Milburn, auteur de Generation Left (“Génération gauche”, non traduit), lui, nuance : les jeunes se tournent en majorité vers la gauche, les travaillistes.
Mais il souligne que “l’offre politique actuelle ne répond pas aux inquiétudes matérielles de la population”.
Keir Milburn signale également que les femmes, elles, font le chemin opposé, et votent de plus en plus à gauche.
L’auteur pense que cette division “a sans doute à voir avec une crise de la masculinité, c’est-à-dire l’effondrement du rôle traditionnel masculin de soutien de famille, avec très peu de compensation, [car] il est lié à une baisse généralisée des salaires”.
“Personne chez Reform UK ne s’attend à devenir du jour au lendemain le parti majoritaire chez les 18-25 ans”, conclut Novara.

Mais le média de gauche appelle à rester sur ses gardes. Et à prendre au sérieux “la volonté de Farage de rajeunir sa base – composée en grande partie de petits propriétaires plus âgés – en portant ses efforts sur l’électorat jeune et masculin”.⏤
Courrier International