Au Sri Lanka, les femmes au cœur du renouveau démocratique

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Ce n’était qu’une simple observation lancée pendant une session parlementaire des plus ordinaires, mais pour Harini Amarasuriya, Première ministre du Sri Lanka, ces propos ont marqué un tournant. Elle s’est alors rendu compte que son pays, ruiné il n’y a pas si longtemps par des hommes forts et des politiques populistes, était fin prêt à voir évoluer la condition des femmes.

L’auteur de cette remarque (un collègue “pas spécialement féministe”, selon elle) avait signalé que la nation insulaire ne pourrait pas intégrer davantage les femmes au marché du travail tant qu’elle ne reconnaîtrait pas officiellement “l’économie du care”, qui correspond au travail des soins et de l’accompagnement [essentiellement assuré par les femmes]. Harini Amarasuriya confie le “grand bonheur” qui a été le sien quand elle a entendu dans la bouche d’un membre du gouvernement ce terme longtemps confiné aux seules sphères militantes et associatives féministes. “Je me suis dit : ‘Enfin ! Toutes ces années de lutte ont payé’”, se rappelle-t-elle en riant, lors d’un entretien dans son bureau de Colombo [capitale économique et principal centre politique du pays], en décembre.

[Plus de] deux ans après le soulèvement populaire de 2022, qui a chassé la dynastie politique [des Rajapaksa,] dont la gestion calamiteuse avait ruiné le pays, le Sri Lanka est en passe de se réinventer.

La colère a laissé place à une volonté de changement, plus calme mais non moins déterminée. Les deux élections, présidentielle [en septembre] et législatives [en novembre], de l’année dernière ont eu raison de l’ancienne caste dirigeante, au pouvoir depuis des décennies. Une alliance politique de gauche [le National People’s Power (NPP)] a été élue sur la promesse d’une société plus égalitaire. Et ce renouveau démocratique offre de nouvelles perspectives aux femmes sri-lankaises.

Les femmes ont été une force motrice du mouvement social qui a poussé le président [Gotabaya Rajapaksa] à fuir le pays, en juillet 2022. Assumant le travail domestique, elles ont été les premières touchées quand le pays s’est retrouvé à court d’argent et de carburant. Leur colère les a donc fait descendre massivement dans la rue.

Aujourd’hui, les femmes jouent un rôle central dans la mise en place de garde-fous pour protéger le pays des caprices d’hommes autoritaires. Elles mènent aussi un travail de fond pour construire, lentement mais sûrement, une culture politique qui leur offre la même place qu’aux hommes. D’autant qu’à ce jour elles représentent 56 % du corps électoral et ont largement contribué à la victoire du NPP [qui ne disposait auparavant que de trois sièges au Parlement].

Anura Kumara Dissanaya