Comment empêcher les auteurs de viols de récidiver ? Ce qu’il faut retenir de la commission d’enquête sénatoriale sur la prévention de la récidive

« C’est la misère », résume la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, alors que la délégation aux Droits des femmes et la commission des Lois du Sénat viennent de dévoiler les conclusions de leurs enquêtes sur la prévention de la récidive des violences sexuelles. Les deux instances avaient créé une commission d’enquête suite au viol et au meurtre de Philippine en novembre 2024.
Ce féminicide avait mis en évidence des lacunes en matière de prise en charge sanitaire, de suivi sociojuridique carcéral et postcarcéral des auteurs condamnés. Les membres de la commission d’enquête ont entendu près de cent personnes et effectué trois déplacements, notamment dans l’Yonne et à la prison de Fresnes. Celle-ci a rendu ses conclusions après six mois de travail. Voici les points clés de leur rapport.
La commission d’enquête a pointé les défaillances dans la sphère médicosociale, notamment le peu d’experts psychiatres et de médecins coordinateurs pour prendre en charge les auteurs. Elle propose donc de mobiliser des psychologues lorsque le mis en cause ne comporte pas de troubles psychiatriques, minoritaires chez les agresseurs selon les experts.
Les sénatrices ont également recommandé de créer une véritable injonction de soins en détention. C’était un point clé mis en avant par les experts auditionnés au cours de leur enquête. Les auteurs d’infraction à caractère sexuel (AICS) n’ont aujourd’hui pas l’obligation d’accepter un suivi au cours de leur détention.
La commission demande également au Ministère de la Justice une priorité sur les violences sexuelles : « Les magistrats nous ont dit que les politiques pénales fonctionnent par politiques successives. D’abord le terrorisme et la radicalisation, ce que nous comprenons bien sûr, puis il y eu la priorité aux violences intra familiales. Pendant ce temps-là, les plaintes pour violences sexuelles s’empilent au fur et à mesure, et en ce moment c’est le narcotrafic : c’est encore une fois justifié mais les violences sexuelles ne sont jamais la priorité de la justice », déplore Laurence Rossignol.
En France, le taux de récidive pour des infractions à caractère sexuel est estimé à 5,7 %, selon les chiffres du Ministère de la Justice. Il s’agit d’un pourcentage peu réaliste compte tenu du très faible taux de condamnations (0,6 %, selon l’Insee), et du décalage entre le nombre de violences et les plaintes qui en découlent. « Il y a un manque criant de données exploitables pour évaluer le taux de récidives, et les faits commis en réitération. Personne ne collecte ces informations et ne les fait pas non plus remonter, a déploré la sénatrice socialiste Audrey Linkenheld. Nous ne sommes pas en mesure de savoir si l’incarcération et le suivi socio-judiciaire ont un impact sur la récidive ».
Les six co-rapporteuses ont mis l’accent sur la pornographie consommée par les mineurs, En 2023, ces derniers représentaient 25 % des mis en cause pour violences sexuelles, et ont souvent été eux-mêmes victimes. « Environ 20 % de chaque classe d’âge subissent des actes ou des images de ce type », déplore la sénatrice centriste Annick Billon. Tout ce qui est interdit dans la société par la loi et la morale est autorisé dans la pornographie ». L’âge moyen de la première exposition à du contenu pornographique est estimé à 11 ans, selon Dominique Vérien, présidente centriste de la commission des Lois.
« Nous avons un problème de cohérence sociétale, ajoute la socialiste Laurence Rossignol. Tout le monde est pour que les enfants ne subissent pas de violences sexuelles, mais certaines associations et groupes politiques pensent que l’éducation à la vie affective empiète sur l’école et n’a pas lieu d’être. C’est un problème de cohérence entre nos ambitions pour une société sans violence sur les enfants et comment nous appréhendons les enfants dans notre société ».
Plus généralement, la pornographie, avant ou après la majorité, est consommée par quasiment tous les auteurs de violences sexuelles. « C’est un problème de santé publique et non pas de liberté du commerce », a rappelé Laurence Rossignol, rappelant l’arrêt rendu par la cour de Cassation la semaine dernière, dans l’affaire « French Bukkake ». Cette dernière a considéré les tournages pornographiques en question comme du proxénétisme de la part des producteurs, qui ont tiré profit de cette activité.
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L'Humanité