Édito. Le fantôme de la dissolution plane à nouveau sur l’Élysée

Un an après la dissolution de 2024, Emmanuel Macron peut à nouveau dissoudre l’Assemblée nationale. Le président de la République maintient le flou autour de cette décision, qui reste une option risquée et impopulaire, bien qu’elle soit son ultime levier de pouvoir.
/2023/09/12/agathe-lambret-6500857053f86780563991.png)
Un an après, Emmanuel Macron retrouve, mardi 8 juillet, le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Va-t-il l’utiliser et récidiver ? Le président de la République se garde bien de répondre à cette question, mais il a retrouvé son grigri. La dissolution reste une arme de dissuasion. Sa vocation n’est pas d’être utilisée, mais de prévenir. Le président de la République, plus que tout autre, aime prendre de court. Il y a un an, en ce désormais funeste 9 juin 2024, personne ou presque n’était dans la boucle. Le chef de l’État jubilait autant de dissoudre que de surprendre son monde. Il ne savait pas encore que tel est pris qui croyait prendre.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron entretient l’ambiguïté parce que c’est le seul pouvoir qui lui reste. Y renoncer ouvertement serait comme rendre les armes, se mettre à la merci d’une classe politique pressée de tourner la page, pressée de tourner sa page. Alors, le président brandit sobrement la menace, comme quand il explique début juin que son habitude n’est pas de se priver d’un pouvoir constitutionnel, et que "si des formations politiques décidaient (…) de bloquer le pays", il pourrait y avoir recours, mais que "ça n’est pas son souhait".
Au-delà de retrouver la toute-puissance de son désormais ancêtre jupitérien, Emmanuel Macron pourrait avoir, avec une nouvelle dissolution, la tentation de sortir de cette grande dépression politique avec un gouvernement qui se déchire, une Assemblée fragmentée, rongée par les calculs et les alliances improbables et de grandes réformes à l’arrêt. Il peut aussi avoir l'envie de retrouver son pouvoir de nomination du Premier ministre, face à un François Bayrou qui l’agace, un Premier ministre qui ne ferait rien, même pas ce que le président lui demande.
En pratique, Emmanuel Macron n'a pas vraiment intérêt à dissoudre. Élire une nouvelle Assemblée pourrait ne rien changer. On n’ose imaginer que le président veuille replonger dans la violence des critiques et des conséquences d’il y a un an avec pêle-mêle ces Français, ces responsables politiques, ces grands patrons furieux et ahuris.
Au lieu d'apporter, comme il le promettait, "clarification" et de lutter contre "les arrangements et les solutions précaires", Emmanuel Macron a récolté une crise interminable, avec l’image d’un pays qui se dégrade, des marchés qui s’affolent, et un président autoproclamé anti-RN qui lui sert de marchepied. Il n’existe pas de dissolution magique qui effacerait les conséquences de la première.
Les sondages sont désastreux pour le président de la République, comme il y a un an d’ailleurs. Emmanuel Macron n’a pas intérêt à dissoudre de nouveau. C’est peut-être cela qui devrait inquiéter, quand on sait sa propension à vouloir exister là où on ne l’attend pas.
Francetvinfo