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Élection de Bruno Retailleau : « Pour les Républicains, le vrai défi est de sortir d’une approche marketing »

Élection de Bruno Retailleau : « Pour les Républicains, le vrai défi est de sortir d’une approche marketing »

Après des mois sans voix ni visage à leur tête, Les Républicains viennent de désigner un nouveau président. Bruno Retailleau hérite d’un parti encore fragile, où tout est à reconstruire. La campagne interne n’a pas opposé de visions de fond radicalement différentes : les candidats occupaient peu ou prou le même espace politique. Cela pourrait sembler le signe d’une cohérence retrouvée. En réalité, cette absence de débat stratégique souligne l’ampleur des défis à venir d’ici à 2027. À commencer par la nécessité de faire la chasse aux illusions.

Première illusion : croire à une centralité politique retrouvée. LR bénéficie d’une visibilité renforcée par sa présence au gouvernement, après treize ans de cure, et conserve une majorité au Sénat, dont l’influence relative s’accroît du fait des divisions de l’Assemblée nationale. Bruno Retailleau, qui jouit d’une popularité interne solide, voudrait y voir le début d’une dynamique. Mais cette présence institutionnelle ne doit pas masquer une érosion électorale continue.

En 2022, selon l’Ifop, seuls 21 % des électeurs de François Fillon en 2017 ont voté pour Valérie Pécresse. Le reste s’est dispersé : 37 % ont choisi Emmanuel Macron, 17 % Marine Le Pen, 16 % Éric Zemmour. Le mouvement s’est accentué depuis, entre fuite vers le centre et basculement vers l’extrême droite. En 2024, seuls 52 % des électeurs LR de 2022 ont reconduit leur vote pour un candidat du parti. LR traverse la même phase que le Parti socialiste il y a quelques années : celle d’un affaiblissement profond de ses bases. Le danger n’est pas derrière lui – il est devant.

Deuxième illusion : croire que l’union des droites serait une planche de salut. Retailleau s’est gardé de s’aventurer sur ce terrain. Mais l’appel de Laurent Wauquiez, en fin de campagne, à une union allant de Gérald Darmanin à Sarah Knafo, montre que l’idée fait son chemin. Et ce n’est pas un hasard : elle est le fruit d’un glissement programmatique vers l’extrême droite, notamment sur l’immigration, amorcé de longue date, que le ministre de l’Intérieur a largement épousé.

Depuis 2007, la droite est persuadée que c’est la seule stratégie gagnante. Pourtant, elle n’a pas enrayé la fuite vers le RN, qu’elle a même accentuée, tout en négligeant les électeurs partis vers le centre. L’union des droites pourrait à court terme maintenir LR à flot, mais elle achèverait de normaliser le RN sans permettre à la droite républicaine de récupérer ses électeurs. Ceux qui franchissent le Rubicon font rarement le voyage retour. Dans ce bloc, LR n’aura jamais le leadership.

Troisième illusion : penser que la fin du macronisme entraînera mécaniquement un retour des électeurs de centre-droit vers LR. Cela justifierait une stratégie visant à séduire l’extrême droite avant de se recentrer. Mais ce n’est pas parce qu’un cycle s’achève que tout redeviendra comme avant. La tripartition du paysage politique est susceptible de durer, et le bloc central regorge de prétendants – d’Édouard Philippe à Gabriel Attal – prêts à grignoter l’électorat de droite. Croire que les électeurs perdus finiront d’eux-mêmes par « revenir à la maison » est une vue de l’esprit.

L’enjeu, désormais, est de clarifier l’offre politique. Comme le souligne le politiste Émilien Houard Vial, elle reste faible. Quelques marqueurs – immigration, « péril woke », dénonciation de « l’assistanat » – tiennent lieu de boussole. Mais ils sont partiels, souvent empruntés à d’autres, et ne couvrent pas les grandes questions politiques du moment. Que dit la droite sur le travail, la protection sociale, les retraites, la jeunesse ? Rien de lisible. Or ces sujets sont au cœur des attentes citoyennes, même s’ils passent sous les radars médiatiques.

Le vrai défi est de sortir d’une approche marketing. La politique n’est pas qu’une affaire d’espace à occuper, mais de dynamique à incarner, sans pour autant tomber dans le piège de l’homme providentiel, maladie infantile de la droite. Celle-ci s’impose quand elle sait ce qu’elle veut conserver – institutions, continuité, sens du collectif – et ce qu’il faut transformer. Elle doit assumer un conservatisme lucide, qui voit le monde comme fragile et digne d’être préservé, sans refuser les réformes.

Et si LR cherche de l’inspiration, qu’elle évite de regarder vers Javier Milei ou Donald Trump, dont la brutalité fascine sans rien construire. Qu’elle observe plutôt Friedrich Merz, le nouveau chancelier allemand : comme un certain nombre de figures tutélaires de la droite, il pourrait marquer l’histoire parce qu’il veut emmener l’Allemagne dans le monde de demain en se coupant des lourdeurs d’hier. C’est peut-être à cette condition que la droite redeviendra audible, utile, et – pourquoi pas – centrale en 2027.

La Croıx

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