La pétition pour l’abrogation de la loi Duplomb signée par plus d’un million de personnes, récit d’un élan citoyen sans précédent

Ils ont voulu confisquer le débat, celui-ci pourrait bien revenir par la fenêtre (démocratique) à la rentrée. Une pétition demandant l’abrogation de la loi dite « Duplomb », inscrite sur le site de l’Assemblée nationale le 10 juillet, a dépassé, ce dimanche, les 970 000 signatures. Un record, qui plus est en à peine plus d’une semaine, qui démontre la force de ce mouvement populaire, spontané, faisant irruption dans le débat démocratique.
Ce seuil des 500 000 participations franchi – et si les signatures sont issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer – pourrait conduire la conférence des présidents de l’Assemblée nationale à organiser un débat en séance publique sur cette pétition. Et donc, par ricochet, sur cette loi Duplomb, qui n’avait pas fait l’objet d’une discussion en bonne et due forme à cause d’un tour de passe-passe procédural des députés du « bloc central ».
Cette proposition de loi sur l’agriculture, qui prévoit, entre autres, la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide qui fait peser des risques potentiels sur la santé humaine, avait été initiée par le sénateur « Les Républicains » (LR) et ancien représentant de la FNSEA, Laurent Duplomb. Adoptée en janvier au Sénat, elle était censée être examinée à l’Assemblée nationale à partir du 26 mai. Mais le député LR Julien Dive, rapporteur de la loi au Palais-Bourbon, avait déposé une motion de rejet… sur son propre texte.
Cette manœuvre avait provoqué le renvoi du texte en commission mixte paritaire (CMP), à majorité de droite et macroniste, et permis son adoption le 8 juillet sans débat dans l’hémicycle. « Ce procédé fait peser la menace d’un grave précédent sur notre vie démocratique ! À chaque fois que le gouvernement redoutera un débat, le Parlement sera-t-il systématiquement écarté ? » s’était inquiété à l’époque, auprès de l’Humanité, Julien Brugerolles, député communiste du Puy-de-Dôme.
Il avait aussi averti les instigateurs de ce coup de force : « Ces sujets de fond, sur le modèle agricole que nous voulons, d’une manière ou d’une autre, nous les aborderons ! » Forte de cette pétition lancée par Éléonore Pattery, une étudiante en master de 23 ans, la gauche est donc bien décidée à obtenir ce débat volé et a d’ores et déjà réclamé son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée « dès la rentrée ». Il s’agirait d’une première, aucune pétition citoyenne n’ayant jamais été débattue à l’Assemblée nationale, dans l’histoire de la Ve République.
Interrogée sur France Info ce dimanche, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est dite « évidemment favorable » à ce qu’il se tienne, tout en douchant les espoirs des opposants : cette discussion « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée », a-t-elle prévenu.
En revanche, cette possibilité pourrait bien venir du Conseil constitutionnel, les députés LFI, écologistes et communistes ayant déposé le 11 juillet un recours estimant que la loi est incompatible avec les exigences de protection de l’environnement et le droit à la santé. Une autre possibilité serait que le président de la République demande au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes, en a ainsi appelé au chef de l’État dans une vidéo publiée sur X : « Jamais autant de personnes n’avaient signé une pétition contre une loi qui est sortie (…), il faut demander une deuxième délibération de la loi Duplomb, vous en avez le pouvoir, monsieur Emmanuel Macron, les Français vous le demandent. » Le président de la République pourrait également décider tout simplement de ne pas promulguer cette loi.
De quoi provoquer quelques sueurs froides chez ses partisans. Sur France Info, le sénateur Laurent Duplomb s’est agacé de ces « pétitionnaires, qui, à l’image de Sandrine Rousseau, n’en ont rien à faire de la rentabilité des activités économiques » et s’est ému de leurs visées environnementales : « La réalité de ce que demande l’écologie (…) c’est que c’est la fin de l’agriculture française. »
Même dramatisation du côté d’Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, qui a estimé, dans un communiqué, que « le choix est clair : faire le pari d’une agriculture française avec des normes équivalentes aux pays européens pour que nous puissions nous en sortir, ou alors imposer des normes supérieures et notre agriculture disparaîtra ». Sorte de « there is no alternative » (« il n’y a pas d’autre choix » – NDLR) thatchérien, mais version agricole. Une première, là aussi.
L'Humanité