Le ministre de la Santé Yannick Neuder en déplacement dans le Var: "Il n’y aura pas d’argent magique"

Vous avez tenu à être présent ce jeudi soir pour la cérémonie de fin d’études des professionnels de santé et leur remise de diplômes. Avec quel message à leur faire passer?
Que c’est le plus beau métier du monde et un choix de vie. On doit l’encourager, comme le fait la Région Sud. Ça correspond aussi à toute la politique que j’ai mise en place. On a besoin de former plus de médecins en fonction des besoins des territoires. Ça sera le cas avec la suppression de tous les numérus qui limitaient les entrées en 2e année de médecine et qui a été adoptée par le Sénat en juin. On a, par exemple, 1.600 étudiants français qui, chaque année, partent faire médecine en Roumanie, en Espagne, en Belgique. Il faut stopper cette hémorragie et faire revenir tous les étudiants qui font actuellement leur formation à l’étranger, ils sont près de 5000. Si on les laisse terminer leur cursus ailleurs, on passera à côté de médecins pour l’avenir.
Comment renforcer l’attractivité de ces métiers?
À l’hôpital, ça passe notamment par la quête de sens. Il y a beaucoup de bureaucratie, de tâches administratives qui peuvent totalement être transformées. L’IA va faire gagner beaucoup de temps aux soignants et leur redonner du temps médical avec leurs patients. Je m’inspire de ce qui se fait en Italie mais aussi en Espagne. Nous avons besoin de transformer nos hôpitaux en hôpitaux de demain.
Vous vous rendez également au CHITS de Sainte-Musse, passé en phase plan blanc la semaine dernière pour des problématiques d’affluence et d’effectifs...
C’est mon rôle de voir les difficultés, de venir échanger sur les problématiques qu’ils rencontrent avec les équipes soignantes. J’ai mobilisé mon ministère dès le mois d’avril pour pouvoir organiser la saison estivale, dont un point le 16 juin dernier avec tous les acteurs, avant les premiers épisodes de canicule, pour avoir une vision globale. On sait très bien que des zones vont être particulièrement en tension, notamment les plus touristiques. Donc on doit pouvoir s’organiser en fonction des forces en présence. On compte aussi sur la responsabilisation des citoyens.
"Plus de 90% des gens qui sont en réanimation pour la grippe ne sont pas vaccinés"En janvier 2023, Emmanuel Macron a annoncé qu’il allait désengorger les urgences. Est-ce que vous allez être le ministre qui va l’aider à tenir sa promesse?
Je suis surtout le ministre qui sait très bien, à l’aune des contextes budgétaires extrêmement compliqués, qu’il n’y aura pas d’argent magique. Mais on doit arriver à une évolution structurelle de notre système de soins, avec une organisation différente. Qui régule mieux les urgences avec la diffusion du SAS partout en France: l’orientation par un appel au 15 avant tout déplacement. En faisant encore grandir la dynamique entre hôpital et médecine de ville, grâce au numérique qui va permettre d’éviter la redondance des examens et améliorer le suivi médical des Français, avec des outils digitaux comme "Mon Espace Santé". Il faut aussi former plus et mieux. Ce sont ces mesures qui permettront, sur le long terme, de désengorger nos urgences.
Vous mettez également l’accent sur la lutte contre la circulation du chikungunya...
Oui. Nous avons 12 foyers identifiés et 30 cas en métropole. Il ne s’agit pas d’inquiéter mais de rappeler les actions simples que chacun d’entre nous peut réaliser pour se protéger des piqûres de moustiques et éviter la prolifération. Notamment en portant des vêtements amples qui couvrent au maximum le corps, en utilisant des répulsifs et en éliminant toutes les stagnations d’eau. Je pense notamment aux coupelles placées sous les plantes ou encore aux gouttières.
Santé publique France alerte sur le nombre de noyades, en augmentation de 58% sur un an (entre le 1er juin et le 2 juillet)…
C’est un vrai sujet. Rappelons, là encore, la responsabilisation. On ne laisse pas ses enfants se baigner sans surveillance, on va dans les zones qui sont autorisées à la baignade, on respecte les horaires, on ne va pas dans les zones non surveillées, que ce soit lors d’une baignade en mer ou dans un lac.
Après les annonces budgétaires de François Bayrou, certains ont tilté en l’entendant demander des "efforts" aux malades...
Il faut demander des efforts à tout le monde, aux soignants, aux citoyens. Et quelque part,les malades n’ont pas à être stigmatisés. Mais quand vous êtes porteur d’une maladie chronique, qu’on peut vous proposer une vaccination contre la grippe en hiver, il faut l’accepter. Plus de 90% des gens qui sont en réanimation pour la grippe ne sont pas vaccinés. Aux soignants aussi de montrer l’exemple. Il faut combattre l’obscurantisme, revenir à la science et rappeler sans cesse que la prévention est l’une des solutions pour réduire les dépenses de santé. Alcool, tabac, alimentation, plus nous préviendrons et moins nous aurons besoin de soigner.
La problématique vaccination, c’est l’effet post-Covid?
Il y a un effet saturation. En France, nous sommes moins bons sur la vaccination qu’ailleurs. Certains pays comme le Danemark, l’Australie, le Portugal ont des taux de vaccination de 80 à 90%, alors qu’on peine à atteindre 40% chez nous. Nous devons nous améliorer, et vite! La vaccination concerne aussi les jeunes. On va lancer à partir de septembre, avec la ministre de l’Education nationale, une double vaccination au collège: contre la méningite, face à la recrudescence de cas, et surtout contre le papillomavirus qui permettrait d’éviter à peu près 1.600 cancers du col de l’utérus par an.
"On va s’exposer à l’insolvabilité de la sécurité sociale en 2027"
Parmi les 60 mesures proposées en juin par l’Assurance maladie, il y avait celle d’un système de bonus/malus pour les entreprises ayant un nombre d’arrêts de travail très différent de la moyenne. Pourquoi ne pas avoir retenu cette idée?
Si, c’est retenu. Peut-être pas sous la forme de bonus-malus. Quand vous voyez qu’il y a 10% de taux d’absentéisme de différence entre deux entreprises identiques, c’est qu’il y a un problème de conditions de travail, de management… La CNAM peut elle-même diligenter ses contrôles par les inspecteurs du travail et autres. On pourrait aller plus loin en envisageant des sanctions. Après les annonces de François Bayrou, le travail commence. Je vais passer mon été à consulter les parlementaires quelles que soient leurs couleurs politiques, les organisations syndicales…
Que vous inspire Marine Le Pen qui fait du chantage à la censure du Gouvernement?
Je ne joue pas le jeu du RN. Certains pourront toujours appuyer sur le bouton de la censure. On changera de ministre, on changera de tout ce que vous voulez, mais on va rester face à nous-mêmes avec les 3.300 milliards de dettes. Donc si on n’est pas responsable collectivement, on va s’exposer à l’insolvabilité de la sécurité sociale en 2027, avec l’incapacité de financer les retraites, les médicaments. Le risque est de prendre le chemin de la Grèce il y a quelques années. Là-bas, ça a été 30% de salaire en moins pour les fonctionnaires, 30% en moins de pension de retraite. Ça sera beaucoup plus violent que ce qui peut être proposé dans le cadre budgétaire actuel.
Votre propre avis sur le vote de la loi Duplomb, et la réintroduction de l’acétamipride, un insecticide controversé?
Je pratique une médecine basée sur les preuves pour un produit aujourd’hui autorisé dans 26 des 27 pays de l’UE. On attend des études sur 2026. Dès que l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui est indépendante, aura des éléments factuels avec une éventuelle imputabilité liée à ces produits, la France en interdira l’usage. Avec cette loi, on remet la France au même niveau de précaution que les autres pays européens, pour un usage très ciblé et très limité dans le temps (3 ans). Par ailleurs, soyons complètement logique, nous interdisions ce produit alors que nous étions dans l’incapacité d’interdire l’importation de produits d’autres pays qui avaient été traités avec ces pesticides.
Var-Matin