Les expatriés inquiets d’un virage xénophobe après les élections japonaises
Lors du scrutin sénatorial de dimanche, la coalition au pouvoir a été sanctionnée, principalement au profit de l’extrême droite. Un signal inquiétant pour les étrangers établis sur l’archipel.
Appelés à renouveler la moitié de la Chambre des conseillers (l’équivalent du Sénat), dimanche 20 juillet, les Japonais ont sanctionné le Parti libéral démocrate (PLD), principale force politique du pays, allié au parti de centre droit Komeito, en lui faisant perdre sa majorité absolue. L’un des principaux vainqueurs de ce scrutin est le parti d’extrême droite Sanseito, créé il y a cinq ans à peine, qui a remporté 14 sièges alors qu’il n’en avait ravi qu’un seul aux élections de 2022.
Lors d’une campagne électorale aux relents xénophobes, dans un pays vieillissant et dont l’économie est en position délicate, les 3 millions de résidents étrangers (3,7 % de la population) ont notamment été les cibles faciles des partis les plus virulents. Le gouvernement lui-même a créé le mardi précédant les élections un Centre de commandement des résidents étrangers, chargé de relever les “crimes ou comportements nuisibles commis par certains étrangers”.
Dans la version anglophone du magazine économique Toyo Keizai, le journaliste américain Baye McNeil constate que cet organe, dont le nom “évoque plus de la surveillance que du soutien”, suscite “un malaise au sein de la communauté étrangère du Japon” :
“Le message est extrêmement clair, nous ne sommes pas considérés comme des voisins, mais comme des problèmes à gérer.”
Dans le journal économique nippon, il donne également la parole à plusieurs de ses compatriotes inquiets, comme Earl Jackson, un ancien soldat américain : “Dans les cercles expatriés dont je fais partie, c’est un mélange d’humour noir et d’anxiété… Certains se sentent incapables de s’exprimer parce qu’ils ne veulent pas compromettre leur statut [d’expatrié].”
The Japan Times relaie lui aussi les inquiétudes d’étrangers établis au Japon, comme Simon Henderson, venu d’Australie il y a trois ans :
“J’ai suivi l’élection de très près. J’ai l’impression que c’est un moment charnière pour le Japon […]. Nous travaillons ici, nous payons nos impôts ici, nous construisons notre famille ici. Mais sans droit de vote nous demeurons politiquement invisibles.”
Ancré dans sa culture insulaire, le Japon a été pendant deux siècles un pays aux frontières fermées, qui ne s’est ouvert commercialement que sous la menace des canons américains, en 1854. Depuis, l’archipel s’est largement intégré à la mondialisation et demeure l’une des premières économies mondiales. Cette campagne électorale désespère l’un des éditorialistes du vénérable Asahi Shimbun, fondé en 1879 : “Lorsque j’ai compris que cette vague de populisme qui émerge dans le monde était arrivée au Japon, je me suis effondré.”
Dans Toyo Keizai, l’Américain Marcellus Nealy, musicien et professeur d’université qui habite au Japon depuis trente-trois ans, ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les États-Unis de Donald Trump : “Si l’on se fie à l’expérience des États-Unis, cette voie n’apporte aucun avantage à la population… Le tourisme va baisser, les entreprises internationales vont douter et un important capital humain va disparaître.” Cette proximité idéologique nouvelle s’accompagne d’ailleurs d’un rapprochement économique : mardi 22 juillet, les États-Unis et le Japon ont réussi à trouver un accord sur les droits de douane.
Courrier International