Primaire à gauche : l’idée d’une candidature unique a du plomb dans l’aile

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Avec sa proposition d’une « primaire geyser » pour unir la gauche en 2027, François Ruffin pensait faire un coup. Mais sa proposition essuie des refus cinglants, de Raphaël Glucksmann à LFI, tout le monde rejette l’idée d’une candidature unique.
François Ruffin est un habitué des coups d’éclat. Depuis la dissolution de juin dernier, lorsqu’il réapparaît dans le champ médiatique, c’est toujours pour mettre un coup de pied dans la fourmilière à gauche. Ce mercredi 21 mai, Ruffin s’est donc retrouvé à la une du journal Libération pour en appeler à une grande primaire de la gauche.
Une « primaire geyser », plus exactement, « qui ne soit pas qu’une élection de départage, mais un moment de débordement », a-t-il plaidé, et qui irait « de Philippe Poutou à François Hollande ». Il en a même déjà imaginé les rouages et établi le calendrier : les candidats putatifs devront réunir 100 000 parrainages citoyens et 250 maires, réaliser une profession de foi centrée sur dix idées pour une élection à deux tours avec un appel aux candidatures en avril 2026 et un vote à l’automne. Emballé, c’est pesé !
Sauf que le parlementaire, qui siège à l’Assemblée au sein du groupe écologiste depuis sa prise de distance avec La France insoumise, n’a cette fois pas fait recette. Pis, sa proposition, au-delà du cercle réduit des chantres de l’union, n’a reçu pour seule réponse que le bruit des portes qui claquent. Ce dimanche 25 mai, Raphaël Glucksmann a choisi le journal Le Monde pour lui adresser une fin de non-recevoir. « Je serai clair une fois pour toutes : il n’y aura pas de candidature commune avec Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes en contradiction frontale sur tellement de sujets (…) je ne participerai pas à une primaire », a expliqué l’eurodéputé.
Fort des résultats des dernières élections européennes où il a hissé la liste socialiste qu’il menait en troisième position avec 13,83 % des suffrages, juste devant celle emmenée par l’Insoumise Manon Aubry, Raphaël Glucksmann estime désormais faire jeu égal avec Jean-Luc Mélenchon : « À gauche, il y a deux pôles dominants et clairs. L’un est structuré autour de La France insoumise. Nous avons commencé à structurer l’autre lors des européennes. Cela a suscité l’enthousiasme. Voilà le chemin à poursuivre ensemble. » Une hypothèse renforcée par certains sondages qui le placent à un niveau d’intention de vote très proche du chef de file insoumis pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2027.
Côté insoumis, l’accueil est tout aussi glacial. Ce samedi 24 mai, au micro de France Inter, Éric Coquerel, député LFI et président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, a lui aussi rejeté l’idée d’un revers de main. « Pourquoi une primaire n’est pas possible ? François Ruffin dit, lui : « Moi, si c’est Hollande ou Glucksmann qui gagne, je me range derrière eux. » Ce qui me paraît aberrant ! Moi, je vote pour un programme. Et si l’idée, c’est de refaire du Hollande, un programme d’accommodement… », alors sans lui, a-t-il expliqué.
Pourquoi une primaire à gauche n'est pas possible ?
D’abord, on vote pour un programme. Je n’accepterai jamais qu’on se retire pour un candidat de la gauche d’accommodement et je comprends que M. Glucksman ne puisse faire de même vis-à-vis d’un candidat de la gauche de rupture.… pic.twitter.com/4nlLCNeUsy
Et pour enfoncer le clou, Éric Coquerel a bien pris soin de dessiner les contours de sa gauche, celle dont il se revendique, « une gauche de rupture, celle qui ne propose pas le retour aux années Hollande (…) celle qui est pour nationaliser Arcelor », excluant de facto Glucksmann de son périmètre, ce dernier estimant que « la nationalisation n’est pas la solution ».
Fabien Roussel, le secrétaire général du Parti communiste français, n’est pas beaucoup plus emballé. « Ce n’est pas ma tasse de thé (…) de consacrer mon énergie à ça aujourd’hui », a-t-il répondu à la presse à l’issue d’un entretien de plus d’une heure avec le Premier ministre, ce jeudi 22 mai, dans le cadre d’une série de consultations des forces politiques sur l’élection des députés à la proportionnelle. Le débat sur une possible primaire peut attendre selon lui, « la priorité, c’est d’abord de se battre pour que les factures baissent, les salaires augmentent ».
Les autres représentants de la gauche sont restés soit silencieux, soit ont apporté un soutien timide. François Ruffin peut tout de même compter sur Marine Tondelier, la patronne des écologistes, qui se démène pour imposer le principe même de l’union, car selon elle, « notre devoir de mémoire et notre devoir d’espoir hurlent la même exigence : l’unité de la gauche – de toute la gauche – et, en son cœur, l’écologie », comme elle l’affirmait dans un texte publié le 17 mai dernier dans La Tribune du dimanche.
Une unité qui pourrait être portée par l’initiative lancée en décembre dernier avec Lucie Castets, Gagnons ensemble, dont la première étape devrait se concrétiser par un rassemblement de « toutes les sensibilités progressistes qui voudraient construire ensemble une alternative », le 2 juillet prochain. Mais qui a déjà du plomb dans l’aile, LFI et Place publique, le mouvement de Glucksmann, ayant d’ores et déjà annoncé ne pas s’y rendre…
À peine sortie de l’œuf, l’idée d’une primaire pour faire émerger une candidature unique à gauche semble donc déjà caduque. Même François Ruffin semble s’y être résolu. Dans l’émission Backseat diffusée en direct sur Twitch le lendemain de son entretien dans Libération, le réalisateur de Merci Patron ! a quelque peu redéfini son ambition initiale : « Est-ce qu’il va y avoir une candidature commune ? C’est possible. Est-ce qu’il va y avoir une candidature unique de la gauche en 2027 ? Non. » Une résignation teintée d’optimisme, puisqu’il estime que, malgré tout, « avec deux candidats, on a encore des chances de se qualifier au second tour. »
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