Reconnaissance de la Palestine : les angles morts du discours d’Emmanuel Macron

Le discours d’Emmanuel Macron, prononcé le 22 septembre du haut de la tribune de l’ONU – tout un symbole – à l’occasion de la conférence pour la paix au Proche-Orient et la solution à deux États, fera-t-il date dans l’histoire ? Le président de la République a enfin reconnu l’État de Palestine. On ne peut que s’en réjouir et y voir un pas vers l’autodétermination du peuple palestinien. Néanmoins, l’émotion passée, la relecture de l’allocation laisse un goût un peu plus amer.
Car il ne s’agit pas d’énoncer de grandes et belles idées. Encore faut-il se donner les moyens de leur mise en pratique. L’échec des accords d’Oslo, signés en 1993 entre Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et Yitzhak Rabin, alors Premier ministre en Israël, « tué pour avoir voulu la paix », comme l’a souligné Emmanuel Macron, devrait servir d’exemple.
Il a malheureusement omis de rappeler que le chef du gouvernement israélien a été abattu par un extrémiste juif enhardi par une campagne haineuse lancée par un certain Benyamin Netanyahou. À l’époque, ce dernier accusait le gouvernement d’être « déconnecté de la tradition juive et des valeurs juives ». Il haranguait des foules hostiles aux accords d’Oslo, qui agitaient des pancartes et des affiches représentant Rabin en uniforme nazi ou dans le viseur d’un sniper.
Netanyahou a-t-il changé ? Il n’est qu’à écouter ses interventions et celles des membres de son gouvernement où siège en bonne place l’extrême droite suprémaciste pour comprendre que non. Il y a quelques mois, la Knesset (le Parlement) a voté un texte déclarant qu’il n’était pas question qu’un État de Palestine voie le jour.
Dans une vidéo publiée par ses services le 21 septembre, il déclarait : « J’ai un message clair pour les dirigeants qui reconnaissent un État palestinien après le massacre atroce du 7 octobre : vous offrez une récompense énorme au terrorisme. J’ai un autre message pour vous : cela n’arrivera pas. Aucun État palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain. » On ne saurait être plus clair.
Et pourtant, Emmanuel Macron fait comme si ce n’était pas essentiel. Comme si la Cour pénale internationale (CPI) n’avait pas délivré un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou, qui serait un homme politique comme un autre. C’est là où le bât blesse.
Le président français peut bien dire que « le temps de la paix est venu » et que « nous portons la responsabilité collective d’avoir failli jusqu’ici à bâtir une paix juste et durable au Proche-Orient ». C’est une évidence qui, dit-il, « s’est imposée à nous le 7 octobre 2023, lorsque le peuple israélien a subi la pire attaque terroriste de son histoire ».
C’est ignorer – volontairement et sans doute pour ne pas trop heurter les soutiens inconditionnels à Israël – les souffrances du peuple palestinien, débutées en 1948 avec la Nakba, et aggravées par l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens depuis 1967. C’est ce que pointe l’ONU avec le droit au retour des réfugiés. Sans parler du blocus inhumain contre la bande de Gaza mis en place depuis 2007.
De même, après les pressions exercées sur l’Autorité palestinienne, Emmanuel Macron se félicite que le président palestinien, Mahmoud Abbas, se soit engagé pour écarter le Hamas de toute instance de direction de l’État. Pourquoi n’exprime-t-il pas une telle exigence concernant Netanyahou et ses sbires qui font du génocide et du nettoyage ethnique leur nouveau mantra ? Pourquoi, lorsqu’il demande la libération des otages israéliens, n’a-t-il pas un mot pour les milliers de prisonniers palestiniens et notamment Marwan Barghouti ?
« Rien ne sera possible sans que les autorités israéliennes s’approprient pleinement notre ambition renouvelée de parvenir enfin à la solution des deux États », avoue le chef de l’État, en ajoutant : « Je sais leurs réticences et leurs craintes. »
Emmanuel Macron estime par ailleurs qu’« une solution existe pour briser le cycle de la guerre et de la destruction. C’est la reconnaissance de l’autre, de sa légitimité, de son humanité et de sa dignité ». L’OLP l’a fait le 15 novembre 1988. Israël jamais. Ce qui met en exergue l’absence d’un mot dans le discours du président français. Un mot central, qui doit devenir le centre d’intérêt de la communauté internationale respectueuse du droit et de la dignité humaine. Un mot qui, tant qu’il sera réalité en Palestine, empêchera l’existence réelle de l’État. Le mot occupation.
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L'Humanité