Sommet sur l'océan à Nice : la France promet d'interdire le chalutage de fond dans 4% des eaux autour de l'Hexagone, et déçoit les ONG

Cette promesse doit s'appliquer d'ici à la fin 2026, a fait savoir la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Actuellement, la "protection forte" ne concerne que 0,1% de ces zones.
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"A l'Unoc, la France n’est pas venue faire des discours, mais fixer le cap." A quelques heures de l'ouverture de la troisième Conférence des Nations unies sur l'océan, dimanche 8 juin, à Nice (Alpes-Maritimes), la ministre de la Transition écologique française a dévoilé la stratégie dédiée à la protection des fonds marins en France hexagonale. Son objectif est de "créer des zones de protection forte où toute activité qui dégrade les fonds marins, y compris le chalutage de fond, sera interdite", a poursuivi Agnès Pannier-Runacher, qui s'est exprimée au lendemain d'annonces d'Emmanuel Macron.
Depuis Monaco, le président de la République a promis, sans plus de détails, une limitation du chalutage de fond dans certaines zones des aires marines protégées françaises, admettant que cette technique de pêche, qui racle le fond de la mer, "vient perturber la biodiversité et des écosystèmes qu'il faut apprendre à protéger".
L'annonce du chef de l'Etat a été reçue avec scepticisme par les ONG de protection des océans, qui militent pour une interdiction totale dans les zones qui bénéficient d'un tel statut protecteur, dans l'ensemble des aires marines protégées françaises. Y compris celles qui se trouvent dans les eaux hexagonales, dont la plupart bénéficient de restrictions moins sévères que leurs cousines ultramarines.
Alors que les zones dites à "protection forte" (ZPF) ne représentent à ce jour que 0,1% des eaux françaises qui bordent l'Hexagone, la stratégie dévoilée par la ministre de la Transition écologique doit permettre de passer "à 4%" d'ici à la fin 2026. "Nos autres aires marines protégées hexagonales feront aussi l’objet d’un renforcement de leur niveau de protection", a-t-elle ajouté. Dans le même temps, Paris ambitionne de porter à 14% la part de ses eaux classées en "protection forte" sur l'ensemble de la planète, soit au-delà des ambitions européennes, fixées à 10% d'ici à 2030.
Dans ces zones de "protection forte", "toutes les activités humaines ayant un impact sensible sur les fonds marins, y compris le chalutage de fond, seront interdites", a déclaré la ministre, faisant écho aux annonces d'Emmanuel Macron sur ce mode de pêche à l'impact délétère sur les fonds marins. Car dans ces fonds marins hexagonaux, on trouve, en vrac, des herbiers fragiles, telles que la posidonie en Méditerranée, des coraux et autres canyons et monts sous-marins riches en biodiversité. "Nous agirons sur tous les leviers : chalutage, pollutions d’origine terrestre, usages non maîtrisés", a ainsi listé Agnès Pannier-Runacher.
Pour le WWF France, ces nouvelles ambitions chiffrées constituent "un tour de passe-passe". "La France se targue d'avoir atteint avec de l'avance les objectifs qu'elle s'était donnée pour la protection des océans alors qu'en fait elle est en retard sur la définition de cette protection", a réagi le directeur du plaidoyer de l'ONG, Jean Burkard. Dans un communiqué, il a rappelé que Paris applique sa propre définition de la ZPF ; avec des critères déterminés par un décret de 2022, différents de ceux retenus par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). "Résultat : seules les pressions sur les fonds marins (comme le chalutage) seront interdites, mais pas celles qui s’exercent dans la colonne d’eau, comme certaines pratiques de pêche", a-t-il ajouté.
Selon les chiffres transmis par le ministère, 50% de ces surfaces qui bordent l'Hexagone sont déjà interdites au chalutage de fond, tantôt en vertu d'un règlement européen interdisant ces pratiques au-delà de 800 mètres de profondeur, tantôt en vertu de mesures visant à protéger des sites particulièrement sensibles, ou encore les zones côtières le plus souvent dédiées au nautisme.
L'annonce d'une interdiction du chalutage dans ces ZFP héxagonales n'a donc pas convaincu Greenpeace, qui réclame l'interdiction de cette technique de pêche décriée dans l'ensemble des aires marines protégées françaises. "C'est très décevant", a estimé son chargé de campagne océans, François Chartier, à l'AFP. "Ce qu'ils veulent passer en 'protection forte', ce sont des zones qui ne sont déjà pas chalutées parce que le relief ou la profondeur ne le permettent pas", a-t-il affirmé.
Pour sa part, le ministère de la Transition écologique dément que les zones retenues dans les 4% annoncées par la ministre soient entièrement constituées de secteurs déjà interdits au chalutage de fond et précise qu'"elles les recoupent en partie en Atlantique, c’est moins le cas en Méditerranée." "Cette labellisation permettra, au delà du chalutage de fonds, de préserver ces zones d’autres pressions à l’avenir", ajoute-t-il.
Francetvinfo