Vers la destitution du chef de l’opposition arabe israélienne ?

Une commission du Parlement israélien a voté, le 30 juin, la destitution du député arabe Ayman Odeh en raison de plusieurs messages publiés sur les réseaux sociaux. Une décision qui doit encore faire l’objet d’une votation à la Knesset. Un dossier politique explosif dont seul le quotidien israélien de gauche “Ha’Aretz” semble s’émouvoir.
Lundi 30 juin, une commission spéciale de la Knesset – le Parlement israélien – a adopté une proposition de loi visant à destituer un député arabe israélien, Ayman Odeh, président du Hadash (acronyme hébreu du Front démocratique pour la paix et l’égalité), une alliance postcommuniste arabo-juive. Ce texte a été adopté à une écrasante majorité (14 voix pour et 2 voix contre).
Outre les députés de la majorité gouvernementale, “les commissaires issus de l’opposition juive ont également voté en faveur de cette destitution : Israel Beitenou [‘Israël notre foyer’, extrême droite laïque], Yesh Atid [‘Il y a un avenir’, parti centriste] et HaMahaneh HaMamlakhti [‘Camp étatique’, parti de droite modérée]”, soulignent, dans Ha’Aretz, les journalistes israéliennes Noa Shpigel et Adi Hashmonaï.
En cause, un message publié sur divers réseaux sociaux par le député Ayman Odeh en janvier. “Je suis soulagé de voir les otages [israéliens] et les prisonniers [palestiniens] libérés. Nous devrons ensuite libérer nos deux peuples [juif et palestinien] du joug de l’occupation. Nous sommes tous nés pour être libres.” Entre-temps, en juin dernier, un autre post d’Ayman Odeh a été considéré comme la goutte faisant déborder le vase : “Gaza a vaincu et Gaza vaincra.”
Ces deux messages ont été dénoncés comme une apologie du terrorisme et un soutien à une organisation terroriste, le Hamas. Pour Mordechai Kremnitzer, professeur de droit émérite et chroniqueur d’Ha’Aretz, “on peut légitimement être choqué par ces messages, sauf qu’aucun d’entre eux n’atteint le niveau d’ignominie et de racisme exprimés sans fard à la Knesset et appelant ouvertement à l’épuration ethnique dans la bande de Gaza et à l’expulsion des citoyens arabes d’Israël”.
Dans son éditorial du 1er juillet, Ha’Aretz ne prend pas de gants. Le vote de cette destitution est “effrayant”, parce qu’il exprime “brutalement une vision du monde juive israélienne majoritaire, dominatrice, aveuglée par le fanatisme nationaliste et rendue sourde par son ignorance de l’histoire – une vision décidée à étouffer et à évincer toute voix arabe critique, fût-elle démocratique. Cette motion est une déclaration de guerre à nos concitoyens arabes.”
On ne sait pas encore quand la Knesset confirmera en plénière le vote de la commission. D’une part, Sagit Afek, la procureure générale adjointe chargée des activités parlementaires, a déclaré devant la commission de la Knesset qu’il était douteux que la destitution d’Ayman Odeh soit fondée.
“La motion de destitution ne repose que sur deux posts et il n’existe aucune preuve tangible que son soutien à la lutte armée soit une caractéristique dominante de ses aspirations.”
D’autre part, si cette motion était tout de même votée à la majorité qualifiée (90 députés sur 120), elle sera contestée par Ayman Odeh devant la Cour suprême, ce qui rendra suspensif ce vote controversé.
Courrier International