ZFE supprimées par les députés: pourquoi l'histoire est très loin d'être finie

Un nouvel épisode dans une série qui n'en manque pas. Ce mardi 17 juin les députés ont adopté le projet de loi pour la simplification de la vie économique qui met notamment fin aux zones à faibles émissions (ZFE) contre la pollution de l'air.
Les Républicains et le Rassemblement national ont voté main dans la main en faveur de ce texte étudié depuis des semaines par les députés de façon totalement décousue.
La macronie, elle, s'est profondément divisée en dépit des consignes de vote données par le président des députés Renaissance Gabriel Attal et d'Emmanuel Macron qui a expliqué "ne pas être content" du détricotage des ZFE début juin dans les colonnes de La Provence.
Huit députés du camp présidentiel, quasiment tous issus des LR comme Éric Woerth, Constance Le Grip et Sébastien Huyghe ont ainsi voté pour leur disparition. D'autres figures du mouvement comme les anciens ministres Guillaume Kasbarian et Olivia Grégoire se sont abstenus.
Une partie du camp gouvernemental, à l'instar de la ministre à la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, appelait pourtant les députés du socle commun à rejeter ce texte qui remettait en cause ce dispositif de santé publique.
Il avait été adopté sous Emmanuel Macron en 2019 dans la loi d'orientation sur les mobilités. Le dispositif, étendu en 2021, a pour but d'améliorer la qualité de l'air alors même que la pollution atmosphérique tue près de 40.000 personnes tous les ans en France.
Depuis le 1er janvier 2025, aucune automobile d'un particulier qui roule au diesel immatriculé avant 2011 ou à l'essence avant 2006 - correspondant à la vignette Crit'Air 3 - ne peuvent plus circuler à Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier. Ce sont en effet ces modèles qui sont jugés les plus émetteurs de particules fines, particulièrement dangereuses pour la santé.
Les autres agglomérations concernées comme Strasbourg, Aix-en Provence-Marseille, Dijon ou Rennes appliquent, elles, des restrictions moins importantes. Seules les voitures de particuliers immatriculées avant le 31 décembre 1996, les utilitaires immatriculés avant le 30 septembre 1997 et les poids lourds immatriculés avant le 30 septembre 200 sont concernés dans ces métropoles.
Mais une partie de la classe politique considère les ZFE comme une bombe sociale en pénalisant les Français qui n'ont pas les moyens de changer de véhicule. Le Premier ministre François Bayrou avait par exemple évoqué "sa grande émotion" auprès du Figaro sur le sujet en février.
"Ce sont les plus pauvres, ceux qui n'ont pas les moyens, qui habitent loin qui sont victimes", des ZFE, avait regretté le Premier ministre. De quoi donc pousser la droite et le RN à supprimer les ZFE lors de débats en commission, avec l'apport de voix de quelques députés Renaissance et des élus LIOT en mars dernier puis dans l'hémicycle fin mai.
Agnès Pannier-Runacher avait pourtant bien essayé de proposer une solution de repli. La ministre de la Transition écologique proposait que les ZFE ne concernent finalement que les agglomérations lyonnaises et parisiennes. Elle appelait également à mettre en place toute une batterie d'exceptions à la main des collectivités qui souhaiteraient malgré tout utiliser ce dispositif.
Las: avec 275 députés pour et 252 contre, Agnès Pannier-Runacher a été défaite. Le constat est d'autant plus amer que le nombre d'abstentionnistes et des députés Renaissance qui ont voté pour la suppression des ZFE représentait à eux seuls 22 des 23 voix manquantes pour parvenir à les sauver.
"C'est un texte qui fragilise ce que nous avons construit depuis huit ans", a regretté la députée macroniste Marie Lebec. La manœuvre fait d'autant plus mauvais effet qu'Emmanuel Macron a longuement défendu son bilan écologique lors du sommet de l'ONU pour les océans à Nice début juin.
Mais l'histoire est loin d'être finie. Place désormais à la commission mixte paritaire (CMP) à l'automne, cet organe qui réunit 7 députés et 7 sénateurs qui vont tenter de se mettre d'accord sur une version commune. Sur le papier, la CMP devrait être dominée par la droite qui soutient très largement la disparition des ZFE, au Sénat comme à l'Assemblée.
Si la CMP parvient à se mettre d'accord, le Parlement devra à nouveau se prononcer sur le projet de loi, probablement au début de l'année 2026. Pourra-t-il être rejeté à l'Assemblée à ce moment-là? Une chose est certaine: le président des députés macronistes Gabriel Attal devrait mettre la pression sur ses troupes pour qu'elles suivent ses consignes de vote.
Si la macronie fait le plein ce jour-là, le texte a une chance d'être rejeté. Mais il est très probable que les LR et le RN soient aussi très mobilisés, rendant plus probable l'adoption du projet de loi.
Dernière étape: le passage devant le Conseil constitutionnel qui pourrait très largement censurer le texte. Et pour cause: les ZFE n'ont rien à avoir avec l'intention initiale de ce projet de loi qui visait comme son titre l'indique à simplifier la vie économique.
Parmi les mesures, on trouve notamment la création d'une fiche de paie à 15 lignes contre 50 actuellement, la réduction des délais pour se voir rembourser un sinistre par son assurance ou encore la simplification des installations de bistrots dans les petites communes.
Les Sages pourraient donc juger que les ZFE sont "un cavalier législatif", le terme technique pour désigner la présence d'un sujet dans un projet de loi qui n'a rien à avoir avec l'intention initiale du législateur.
Dans ce cas, le Conseil constitutionnel censurerait la fin des ZFE. Le dispositif serait alors maintenu dans sa forme actuelle.
BFM TV