Les contrats énergétiques à long terme sont désormais confrontés à de nouveaux défis

Le marché européen des contrats d'achat d'électricité (CAE) est en pleine mutation. Après des années de croissance régulière, les contrats à long terme , qui garantissent l'accès à l'énergie verte pour les entreprises et rendent les projets des promoteurs rentables, restent le pilier de la transition. Ils sont désormais confrontés à de nouveaux défis : volatilité du marché , anomalies de prix chutant à zéro ou en territoire négatif, et congestion croissante du réseau . Selon BloombergNEF , cabinet international de recherche et d'analyse énergétique, la trajectoire à moyen terme reste impressionnante : d'ici 2035, la capacité solaire en Europe devrait tripler pour atteindre 1,3-1,4 TW, l'énergie éolienne doubler pour dépasser 700 GW et le stockage décupler pour dépasser 300 GW. Cette transformation est portée par la hausse de la demande d'électricité , portée par les véhicules électriques, les pompes à chaleur et les centres de données, qui transforment déjà la consommation. Dans ce scénario, les CAE restent le principal outil de sécurité des investissements, même si leurs règles évoluent.
Pexapark , société suisse spécialisée dans l'analyse et le conseil du marché des PPA, a défini 2024 comme « le grand ajustement » : des volumes plus faibles, mais davantage de contrats. En Europe, 15,2 GW de PPA ont été signés, en baisse de 11 % par rapport à 2023, mais avec un total de 316 contrats, un record historique (en hausse de 14 %). Les acheteurs institutionnels ont tiré la croissance (en hausse de 26 %), tandis que les services publics ont réduit leur présence de 59 %. Le nombre de nouveaux acheteurs a également augmenté : 157 entreprises ont signé leur premier PPA pour un total de 5,2 GW. Il s'agit d'un signe de maturité du marché, où les entreprises recherchent la stabilité des prix et les certificats verts, tandis que les services publics se concentrent de plus en plus sur leur rôle d'intermédiaires et d'équilibreurs.
Sur le plan technologique, le solaire reste dominant avec plus de 8 GW, malgré une baisse de 28 % par rapport à l'année précédente. L'éolien terrestre a progressé de 25 % pour atteindre 3,1 GW, tandis que l'éolien offshore a diminué de moitié pour atteindre 937 MW. La plus forte progression a été enregistrée dans les contrats PPA multi-technologies , des contrats combinant plusieurs sources d'énergie, comme le solaire et l'éolien, pour offrir une production plus continue : 2,7 GW, soit une hausse de 219 % par rapport à 2023.
La dynamique des prix reflète ce changement. Le Pexa Euro Composite , l'indice mesurant le prix moyen européen des PPA à 10 ans pour le solaire et l'éolien, s'est maintenu autour de 52 €/MWh, avec une croissance minimale (+3 %) par rapport au début de l'année. La véritable nouveauté a été l' explosion des heures de prix nuls ou négatifs : en Allemagne, plus de 450 heures, en Espagne pour la première fois, plus de 240, et en Pologne, près de 200. Seule l'Italie est restée à l'abri, mais cela pourrait ne pas durer. Ce phénomène a imposé de nouvelles clauses dans les contrats : de nombreux acheteurs refusent de payer l'énergie injectée sur le réseau pendant les heures négatives, d'autres acceptent des formules mixtes qui garantissent une rémunération plus équilibrée. Ce problème pèse sur la bancabilité des projets et complexifie la structuration des PPA.
Si l'on observe les acteurs , le tableau est double. Les données cumulées de BloombergNEF montrent qu'Engie est en tête, avec près de 4 GW de capacité contractuelle, suivi par Iberdrola (3,1 GW), Vattenfall (2,4 GW) et Statkraft (2,0 GW). Cependant, si l'on se concentre uniquement sur 2024, la situation change : Iberdrola prend la tête avec 1,63 GW, devant l'allemand Zelestra (652 MW), Engie (621 MW), Statkraft (571 MW) et la coentreprise Shell-Eneco (503 MW). Cela indique que le marché reste concurrentiel et fluide, les positions se redéfinissant année après année.

Le numérique continue de dominer les acheteurs : Amazon a signé des accords pour 3,6 GW, suivi de Google (1,0 GW). Parmi les entreprises industrielles, LyondellBasell (539 MW) et Salzgitter (510 MW) se distinguent. Vodafone, Ardagh, Tesco et Ahold Delhaize suivent. Rien qu'en 2024, les données confirment cette tendance : Amazon a signé pour 3,63 GW, Google un peu plus de 1 GW, tandis qu'Ardagh (483 MW) et Vodafone (479 MW) ont consolidé leur position aux côtés des principaux distributeurs européens. Une carte montrant comment les grandes industries technologiques et énergivores stimulent la demande , tandis que les grands groupes énergétiques dominent l'offre.
Géographiquement, l'Espagne reste le premier marché avec 4,66 GW, bien qu'en léger recul, tandis que l'Allemagne domine en termes de nombre de contrats (48). L'Italie confirme sa position dans le top 10 avec 1,05 GW et une augmentation de 56 % du nombre de transactions, mais le marché reste coûteux et complexe : les prix des PPA italiens sont parmi les plus élevés d'Europe, avec des valeurs moyennes de 60 à 65 €/MWh pour le solaire et de plus de 70 €/MWh pour l'éolien, en raison de la difficulté de raccordement et de la lenteur des procédures d'autorisation.

L'année 2025 s'ouvre avec de nouveaux signes de changement. Selon LevelTen Energy, plateforme numérique qui agrège l'offre et la demande de contrats d'achat d'électricité (PPA), au deuxième trimestre, les prix des contrats en Europe ont baissé en moyenne de 5 % pour le solaire et de 2 % pour l'éolien, grâce à l'abondance de l'offre sur des marchés comme l'Italie, la Pologne et la Roumanie. Parallèlement, la demande pour les contrats multi-acheteurs, impliquant plusieurs acheteurs sur un même projet, partageant les risques et les volumes, et pour les contrats transfrontaliers, permettant à une entreprise de s'approvisionner auprès d'une centrale située à l'étranger, élargissant ainsi les possibilités mais complexifiant également les clauses, est en hausse.
La Repubblica