Adieu à l’État de droit ?

Avec les élections judiciaires de dimanche, une nouvelle page s'ouvre dans l'histoire nationale, une page certes peu héroïque, malgré les ambitions du gouvernement. Ce sera la chronique d'une ère d'incertitude, confrontée à la transition d'un système judiciaire à un autre et, plus redoutable encore, aux répercussions de l'absence d'un pouvoir judiciaire fédéral et d'une Cour suprême autonomes et indépendants. Qui exercera les pouvoirs nécessaires pour défendre les citoyens contre les abus de l'État ; la Constitution contre un pouvoir législatif avide de contrôle ; les femmes et les filles contre des maris et des pères violents ; les journalistes contre des fonctionnaires arrogants ; et quiconque contre les fausses accusations et les malversations des extorqueurs, des fonctionnaires corrompus ou des membres de leur famille pervers ?
Il ne s'agit pas ici d'exalter le système existant comme idéal de justice, ni d'entrer dans les détails des procédures expliquées par des experts juridiques dans divers forums. Des violations des droits humains ont été documentées dans ce domaine, des cas de violences conjugales où les victimes ont été doublement lésées par des juges et des magistrats corrompus. Ces lacunes, et d'autres encore, auraient pu être corrigées. Il est donc regrettable qu'au lieu de proposer d'améliorer ce système, le régime ait décidé de démolir l'édifice tout entier d'ici 2027, fermant ainsi la porte à la loi, à la justice possible, celle que nous méritons.
On nous répétera sans cesse que les précédents étaient corrompus et que les nouveaux seront intègres, qu'il faut faire confiance à un gouvernement qui ne se préoccupe que du peuple et s'efforce de développer la démocratie. Peu importe les mensonges et les illusions qu'on essaiera de nous faire croire, les résultats seront clairs. À commencer par le manque d'enthousiasme pour les élections judiciaires et l'affaiblissement de l'INE, le retard dans les affaires en cours et l'accumulation de nouvelles, tandis que les juges sont en phase d'apprentissage. Comme si, dans ce domaine comme dans d'autres, le Mexique pouvait se permettre de financer la formation de fonctionnaires insuffisamment préparés et expérimentés, de négliger la formation en genre, en droits humains et dans d'autres domaines, destinée à ceux qui aspirent à une carrière judiciaire. Inutile d'imaginer les cauchemars de la nationalisation pour s'inquiéter de l'avenir ; il suffit de penser aux milliers de personnes disparues, assassinées et injustement emprisonnées, qui ne bénéficieront pas d'une justice rapide et expéditive.
Alors que la présidente se vante d'écrire l'histoire, les médias internationaux soulignent la nouveauté de l'expérience, non pas comme paradigme démocratique, mais comme un paradigme empêtré dans l'incertitude, contraire à la sécurité juridique. Comme l'ont souligné les critiques ici, ils pointent également du doigt la volonté officielle de concentrer le pouvoir, que la rhétorique triomphale du gouvernement ne parvient pas à dissimuler. Hier motivé par le ressentiment et l'ambition personnelle, le démantèlement du PJF autonome répond aujourd'hui à la même volonté de protéger les futures initiatives législatives, aussi inconstitutionnelles soient-elles, afin de garantir la vulnérabilité de ceux qui s'opposent aux mégaprojets prédateurs et autres mesures arbitraires.
Cet exploit n'améliore pas l'histoire. La montée de l'autoritarisme en Turquie et en Hongrie s'est faite par la cooptation des autres puissances. Aux États-Unis, le mépris du président pour les juges qui s'opposent à l'illégalité de ses décrets ou exigent le respect de ses décisions contre les expulsions arbitraires s'accroît ; il est particulièrement irrité par les juges qu'il nomme et qui osent appliquer la loi en contradiction avec ses aspirations absolutistes. Son hostilité à l'État de droit a conduit son administration à arrêter un juge pour avoir empêché la police de l'immigration d'expulser un migrant du tribunal et à désobéir à une ordonnance du tribunal ordonnant le renvoi d'Abrego García, expulsé illégalement vers le Salvador. Des expulsions aux prisons étrangères inhumaines en passant par le non-respect de l'habeas corpus, Trump semble déterminé à franchir une étape. Les tribunaux autonomes – et la résistance civile – pourraient encore l'en empêcher.
Ici, au nom d'une étrange démocratie, nous nous dirigeons vers la destruction de l'État de droit. Comment pouvons-nous empêcher ce désastre « historique » ?
Eleconomista