Sécurité nationale et sécurité publique

Les mots construisent notre réalité, légitimant ou limitant le pouvoir.
Le terme « sécurité nationale » ne trouve son origine ni dans la législation ni dans la doctrine constitutionnelle mexicaines. Il a été utilisé pour la première fois par le pays voisin du Mexique, en lien avec la « guerre » qu'il menait contre le trafic de drogue et les organisations de la soi-disant gauche politique dans plusieurs pays d'Amérique latine.
Ce terme est une expression destinée à légitimer l'usage de la puissance publique pour « soi-disant » répondre à une menace pour la sécurité nationale. À cet égard, pratiquement personne de sensé ne pourrait s'y opposer.
Or, l'astuce (des escrocs) consiste précisément à cacher n'importe quoi dans leur chapeau (le terme « sécurité nationale ») et à en ressortir ce qu'ils veulent pour obtenir les applaudissements du public. Autrement dit, tout peut être justifié sous prétexte de sécurité nationale.
Au Moyen Âge, toutes les atrocités étaient justifiées au nom des croisades. Les infidèles (qui pouvaient avoir des croyances religieuses différentes, même s'ils n'avaient jamais représenté de danger ni de menace) étaient brûlés vifs ou assassinés.
À l’époque de l’absolutisme, les soi-disant républicains ou libéraux étaient condamnés, et ceux qui défendaient ce qui allait plus tard être connu sous le nom de Lumières étaient arrêtés, car leurs idées mettaient en danger la sécurité de l’État.
De même, les abus ont été justifiés sous l'accusation d'être des « ennemis de la révolution », et même ceux qui avaient initié auparavant le changement du régime juridico-politique que nous connaissons aujourd'hui ont été décapités sous cette même accusation.
Sous couvert de croix gammée et de sécurité d'État, on a tenté de justifier les pires atrocités de l'humanité, dont l'Holocauste. Un phénomène similaire s'est produit lors de la Révolution russe : une fois de plus, des milliers de personnes ont été accusées d'être des ennemis de la révolution et l'exercice du pouvoir étatique a été justifié.
Jusqu’à il y a quelques années, la menace du communisme justifiait toute action de l’État visant à enquêter, poursuivre et punir quiconque l’État considérait comme communiste, sans évidemment respecter les règles essentielles de la procédure judiciaire apparues après la Révolution française de 1789.
Jusqu'à il y a quelques années, les actions menées par les agences de « sécurité nationale » du pays voisin du nord ne pouvaient être menées qu'en dehors de leur propre pays, car les garanties constitutionnelles doivent être pleinement respectées sur leur propre territoire.
Ce n'est que lorsqu'une attaque a eu lieu sur son propre territoire, profitant soi-disant de tous les défauts et lacunes de ses services de renseignement, qu'un règlement a été émis pour lutter contre le « terrorisme » (quelle que soit sa signification) qui tente de justifier la violation des droits constitutionnels de quiconque se trouve sur le sol américain.
Ces jours-ci, une réforme juridique est soumise à l'approbation du Congrès de l'Union (dominé par la coalition au pouvoir, avec une surreprésentation politique de plus des deux tiers de ses membres, bien qu'elle n'ait pas obtenu un vote à ce niveau). Elle confèrera au ministère de la Défense nationale le contrôle opérationnel de la sécurité nationale et, par l'intermédiaire de la Garde nationale, de la sécurité publique.
De toute évidence, la question essentielle sur les critères permettant de distinguer le traitement d’une question telle que la sécurité publique et la sécurité nationale est superflue, puisque les deux questions seront résolues, traitées et gérées par le même ministère de la Défense nationale.
Transgresser les limites de l’État de droit démocratique est une pratique courante dans les régimes qui fondent leurs actions sur la doctrine de sécurité nationale, car toute situation peut constituer un risque et dégénérer en une menace pour la sécurité nationale.
Ce sont les juges qui auraient pu être le barrage qui aurait arrêté les abus et établi les contrôles juridictionnels d’une démocratie constitutionnelle, démocratique non seulement en termes de majorité, mais aussi en termes de substance des droits qui donnent la légitimité à un État.
Désormais, qui établira les frontières entre la soi-disant sécurité nationale et la sécurité publique ?
Eleconomista