Brie ou muesli ?
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L'ouvrier ouvre une boîte en plastique. D'un côté de la cloison se trouvent des sandwichs et de l'autre, des fraises soigneusement équeutées. Il est assis devant ma porte avec deux autres hommes (eux sans fraises), en pause. Je dois les dépasser pour aller chercher mon vélo, et en passant, je remarque que les fraises ont l'air délicieuses. Il rit et dit : « Elle prend bien soin de moi. Je ne la lâcherai pas. »
Ce sont ces petits détails qui m'aident à oublier un instant l'état du monde. Au département d'économie du CNRC , nous discutons parfois de la rareté des bonnes nouvelles ou des articles plus légers dans les journaux. Naturellement, il y a tout simplement trop de guerres et autres catastrophes qui méritent qu'on s'y attarde. Mais si je le peux, j'aimerais consacrer ma dernière chronique à des choses qui me rendent vraiment heureux.
Je suis heureuse de la plante dans mon salon qui a soudainement des feuilles vertes et fraîches. Un conducteur de train souhaitant une bonne journée aux passagers avec des « pensées joyeuses ». Des étudiants posant des questions acerbes lors d'une visite guidée. Un chien tout doux sur une terrasse du Jordaan nommé « Nozem ». Ma sœur adolescente qui se porte volontaire pour apporter un livre en vacances et le lit. Quand quelqu'un tombe de vélo et que tous ceux qui le voient se précipitent pour l'aider. Quand des gens dont on n'a pas vraiment besoin restent là, à se regarder quelques minutes pour voir s'ils peuvent passer à autre chose.
Je suis heureux quand, depuis la rue, je regarde une salle de classe où des adultes écoutent un professeur écrire au tableau. Ils réapprennent du vocabulaire et deviennent dépendants de quelqu'un qui en sait plus qu'eux. Ce sont des gens qui croient que rien n'est figé, qu'on peut toujours recommencer quelque chose.
Des gens dégustent une boule de glace seuls. Ils sont sortis de chez eux ou ont interrompu leur voyage. Sans savoir si j'apprécie, mon compagnon me confie que ces derniers temps, il lui arrive de passer devant un glacier à vélo après le travail et de goûter un parfum différent à chaque fois. La cerise amarena est sa préférée du moment.
Ceux qui font une blague et s'éclatent. Comme cet ami qui a inventé le jeu à boire « Brie ou Cruesli ? », où les participants doivent goûter le tout soigneusement lors d'une soirée bien arrosée, puis deviner s'ils mangent du brie ou du cruesli. Il a gardé cette idée en tête pendant une semaine et a pleuré de soulagement lorsqu'il en a enfin parlé à ses amis. Nous avons ri de bon cœur avec lui.
Ce sont des choses qui guérissent un monde brisé. Elles contribuent à nourrir la confiance dans la bonté, la créativité et l'espoir des gens. Parfois, un nouveau bilan de morts à Gaza me sépare d'un profond sentiment d'impuissance. Alors, j'essaie de penser à mon grand-père, qui, à 92 ans, fait encore des blagues très drôles. À ma petite sœur, qui a encore le choix dans la vie. Au petit bout d'un ami qui apprend à marcher. Ou à l'amour dans une boîte à lunch.
Sezen Moeliker remplace Frits Abrahams.
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