On comprend mieux pourquoi les banques refusent de plus en plus d'accorder des prêts immobiliers aux Russes.

Le secteur du crédit immobilier continue de se contracter : fin septembre, le taux de refus des demandes de nouveaux prêts dépassait 60 %, contre 56,2 % en février et 49,9 % en décembre 2024, selon les données du Bureau national des statistiques du crédit (NBCH). Cette tendance, conjuguée à des taux d’intérêt hypothécaires prohibitifs, rend l’accès au logement impossible pour la plupart des ménages russes.
Cette situation est principalement liée au durcissement des politiques de risque des banques, notamment en raison de la réglementation de la Banque centrale. Plus précisément, des limites macroprudentielles (LMP) sur les prêts hypothécaires accordés aux emprunteurs dont le ratio dette/valeur (DTR) est supérieur à 80 % sont en vigueur depuis le 1er juillet 2025. Dans un contexte d'instabilité macroéconomique et face à un taux directeur toujours élevé de 16,5 %, les institutions financières font preuve de beaucoup plus de prudence et de circonspection envers leurs clients qu'il y a seulement deux ou trois ans.
« Les prêts sont accordés aux emprunteurs réellement solvables, disposant d'un apport initial et tenant compte de leur ratio dette/revenu », explique Ekaterina Stashkova, responsable des produits hypothécaires chez Sravni. « Nombre de Russes ayant besoin d'un logement plus décent sont contraints de reporter leur projet d'achat d'appartement à des jours meilleurs. Les personnes avisées savent que les emprunts sont extrêmement coûteux et, en attendant, elles épargnent pour constituer un apport initial en vue d'acquérir un bien immobilier grâce à un prêt hypothécaire. »
Ainsi, malgré toutes les difficultés, la relation entre l'offre et la demande sur le marché tend à s'équilibrer, estime Stashkova.
« Les mesures réglementaires de la Banque centrale ne constituent qu'une partie du tableau », explique Valery Tumin, directeur des marchés Russie et CEI chez fam Properties. « D'autres facteurs importants entrent également en jeu. Les banques constatent une augmentation des impayés sur les prêts hypothécaires accordés pendant la période faste de 2023 et début 2024. En septembre dernier, la part des prêts à risque atteignait 1,6 %, et leur volume dépassait 170 milliards de roubles. À l'époque, les exigences envers les emprunteurs étaient minimales : faibles apports initiaux, taux d'endettement élevés. Aujourd'hui, ces prêts arrivent à échéance et les banques sont beaucoup plus prudentes. À cela s'ajoutent l'inflation et la hausse des dépenses familiales obligatoires : les ménages n'ont tout simplement pas les moyens de rembourser leurs prêts hypothécaires avec leurs revenus actuels. Les institutions financières sont conscientes de ces risques et préfèrent refuser un prêt maintenant plutôt que de se retrouver avec un actif problématique demain. »
Le marché des prêts hypothécaires est désormais à deux vitesses : près de 80 % des prêts sont accordés via des programmes préférentiels à 6 %, tandis que les prêts hypothécaires classiques, à 20-24 %, ne sont accessibles qu’aux emprunteurs les plus fortunés. Dans ce contexte, une alternative, les paiements échelonnés proposés par les promoteurs, se développe rapidement. Selon le ministère de la Construction, leur part a atteint 14,8 % de l’ensemble des accords de participation au capital, un niveau jamais atteint ces trois dernières années. Par ailleurs, comme le souligne l’expert, les acquéreurs utilisent les paiements échelonnés comme une solution transitoire : ils remboursent une partie de leur dette sur deux à trois ans, pendant la durée des travaux, et prévoient de financer le solde par un prêt hypothécaire lorsque les taux baisseront.
Selon Tumin, un tournant du marché pourrait survenir au second semestre 2026. Les émissions de prêts hypothécaires atteindraient environ 6 000 milliards de roubles, soit une fois et demie plus qu’en 2026. D’ici là, le taux directeur pourrait baisser à 11-13 %, et les prêts hypothécaires sur le marché deviendraient plus abordables, à 12-15 % par an. Dans ces conditions, les prêts immobiliers redeviendraient largement accessibles, et nombre de ceux qui achètent actuellement à crédit pourront opter pour un prêt hypothécaire classique. Le marché se contracte donc avant de connaître une nouvelle croissance : une phase difficile, mais temporaire.
« Le marché hypothécaire se contracte sous nos yeux, et le marché de la construction suit la même tendance. Pourquoi ? » s'interroge Igor Nikolaev, chercheur principal à l'Institut d'économie de l'Académie des sciences de Russie. « D'une part, les banques évaluent avec une rigueur et une attention accrues l'évolution des revenus réels, ainsi que la solvabilité de leurs clients, particuliers et entreprises. Leur priorité absolue est de se protéger. »
Par ailleurs, les banques prennent également en compte leurs propres indicateurs, tels que le ratio prêts/dépôts, le ratio des charges d'exploitation, la rentabilité des capitaux propres, etc. Ces indicateurs se sont légèrement détériorés, sans toutefois que la situation ne soit dramatique. En conclusion, Nikolaev estime que la hausse du nombre de refus de prêts hypothécaires s'inscrit dans la tendance générale d'un ralentissement économique progressif.
« Le pays met activement en œuvre une politique de refroidissement du marché du crédit, et cela ne concerne pas uniquement les prêts hypothécaires », explique Andrey Loboda, économiste et responsable de la communication financière. « Le taux de refus pour une large gamme de prêts, notamment les prêts à la consommation, est en hausse. Il s'avère que les prêts aux particuliers et au secteur réel de l'économie sont actuellement réduits au minimum, car les taux d'intérêt sont exorbitants. Il n'y a qu'une seule solution : faire preuve de patience et attendre que la Banque centrale abaisse son taux directeur à un niveau acceptable. »
mk.ru



