Réflexions complémentaires sur les balances commerciales

Je suis récemment tombé sur deux articles intéressants qui m'ont fait réfléchir aux balances commerciales. Le premier, écrit par Christopher Caldwell , traite de la « ceinture de rouille » française :
Un processus que Guilluy appelle « métropolisation » a coupé la société française en deux. Dans 16 agglomérations dynamiques (Paris, Lyon, Marseille, Aix-en-Provence, Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon, Douai-Lens et Montpellier), les ressources mondiales se sont révélées un complément profitable à celles de la France. Ces agglomérations abritent tous les établissements d'enseignement et financiers du pays, ainsi que la quasi-totalité de ses entreprises et les nombreux emplois bien rémunérés qui vont avec. On y trouve également les individus – entrepreneurs, ingénieurs, PDG, créateurs de mode, mannequins, réalisateurs, chefs cuisiniers et autres « analystes symboliques », comme les appelait autrefois Robert Reich – qui façonnent les goûts du pays, forgent ses opinions et renouvellent son prestige. Une main-d'œuvre bon marché, des biens de consommation exemptés de droits de douane et de nouveaux marchés pour des milliards de personnes ont fait de la mondialisation une manne pour ces régions prospères. Mais la mondialisation n'a pas eu un tel effet galvanisant sur le reste de la France. Des villes qui furent animées pendant des siècles — Tarbes, Agen, Albi, Béziers — sont aujourd'hui, pour reprendre le mot de Guilluy, « désertifiées », hantées par les devantures vides et les centres-villes délabrés que les Américains de la Rust Belt connaissent bien.
Guilluy doute qu'il existe un espace dans la nouvelle économie française pour les travailleurs tels que nous les concevons traditionnellement. Paris en offre l'exemple le plus frappant. Au fil de sa prospérité, la Ville Lumière s'est stratifiée, ressemblant à Londres ou à des villes américaines comme New York et San Francisco. C'est un lieu pour les millionnaires, les immigrants, les touristes et les jeunes, sans place pour le Français moyen. Paris chasse désormais les personnes autrefois considérées comme indissociables de la ville.
L'Europe souffre donc de nombreux problèmes qui touchent la droite populiste américaine. Mais savez-vous ce qui lui manque ? Un important déficit commercial. L'UE affiche en effet un excédent commercial important. La France elle-même affiche un léger déficit commercial, mais bien trop faible pour avoir une quelconque importance économique. (Actuellement estimé à 0,1 % du PIB par The Economist .) Si la « ceinture de rouille » européenne n'est pas causée par le commerce international, quel est donc le problème ?
Imaginez un modèle simple où, sur plusieurs décennies, la part des travailleurs du secteur manufacturier chute de 20 % à 10 % de la population active. On pourrait se demander comment cela pourrait se produire sans déficit commercial important. La réponse est simple : l’automatisation.
Ce type de processus n'entraîne pas nécessairement un taux de chômage global élevé, car de nouveaux emplois sont créés dans le secteur des services. Mais le processus ne sera pas uniforme. Les régions axées sur l'industrie manufacturière pourraient connaître une récession, tandis que les villes dotées d'un secteur des services innovant devraient prospérer.
La ceinture de rouille française suggère que le commerce international n'est pas le problème principal, ce que les observateurs perspicaces savaient depuis toujours. Voici J.D. Vance dans Hillbilly Elegy :
Vance a raison : nous devons arrêter de mentir en prétendant que la Chine est responsable de notre ceinture de rouille.
Le deuxième article a été publié dans le Financial Times et traite de l’excédent commercial persistant de la Suisse :
La plus grande économie mondiale, la plus riche, bénéficie à la fois d'une monnaie forte et d'un secteur manufacturier solide. Le franc suisse a été la monnaie la plus performante au cours des 50, 25, 10 et 5 dernières années. Il est même proche du sommet l'année dernière, alors que certaines des devises les plus en difficulté ont remonté face au dollar. Rien ne peut égaler une force durable.
La Suisse défie cependant l'hypothèse selon laquelle une monnaie forte compromettrait la puissance commerciale d'une nation en rendant ses exportations non compétitives. Ses exportations ont progressé et atteignent des sommets historiques, tant en proportion du PIB suisse (75 %) qu'en proportion des exportations mondiales (près de 2 %).
Les protectionnistes affirment parfois que les excédents commerciaux sont obtenus par des méthodes déloyales. Ils affirment que certains pays obtiennent des excédents en adoptant des politiques « mercantilistes », telles que la baisse des salaires et la faiblesse de la monnaie. À l'inverse, la plupart des économistes estiment que les excédents commerciaux reflètent le fait que les pays à forte épargne enregistrent des déficits de leur compte de capital, achetant plus d'actifs étrangers qu'ils n'en vendent. Ils considèrent le compte de capital comme le chien et le compte courant comme la queue.
Prenons l'exemple de l'Allemagne et de la Suisse. Difficile de trouver deux pays plus similaires. Tous deux se concentrent sur la production de biens manufacturés de haute qualité, comme des machines de précision. Tous deux ont une forte culture de l'épargne. La plupart des Suisses parlent même allemand. De plus, les deux pays ont tendance à afficher des excédents commerciaux persistants.
Les protectionnistes accusent parfois les Allemands d'avoir généré cet excédent en dépréciant artificiellement leur monnaie (l'euro). Mais la Suisse obtient un résultat similaire avec la monnaie la plus forte du monde et des salaires extrêmement élevés. Si l'on compare ces deux cas, il semble beaucoup plus plausible que des taux d'épargne élevés en Allemagne et en Suisse conduisent à un excédent commercial. Seule l'Allemagne a une monnaie qui s'apparente de près ou de loin à une faiblesse (et même l'euro n'est pas si faible).
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