Feros Festival: plongée dans la culture underground et l’univers des musiques électroniques

L’événement est confidentiel, "underground". Pas ou peu de communication en amont. Pas ou peu de fléchage non plus pour arriver sur le site tenu secret, en pleine forêt, à près d’un kilomètre à vol d’oiseau du village d’Aups. Les coordonnées GPS précises sont transmises aux festivaliers quelques heures avant l’ouverture des portes. Le Feros Festival se veut discret, très discret.
Le festival est organisé par Feros Records, "une structure qui entend promouvoir la musique, et plus largement l’art sous toutes ses formes, avec une sensibilité particulière pour l’univers techno et les musiques électroniques en général", décrivent sur place Sébastien, Cyril, et Alex (1), trois des membres du collectif.
Des passionnés dont les chemins se sont croisés il y a près de douze ans maintenant. "On gravitait tous autour de projets musicaux plus ou moins underground", explique Sébastien. Entre eux, l’alchimie opère, "comme une évidence".
De fil en aiguille, les acolytes se regroupent, se structurent en association – "pour être dans les clous" –, et unissent leurs énergies. Depuis, par l’intermédiaire de leur label, le collectif produit des projets musicaux autour du registre techno. Et organise, en parallèle, le festival que voilà.
Après deux premières éditions en février 2020 et en mai 2024, Feros a remis le couvert tout le week-end, avec une clôture prévue ce dimanche 1er juin, à guichets fermés.
"Ce n’est pas une “rave" »A contrario d’une "free party", le rendez-vous est autorisé. Et organisé dans les règles de l’art, sur un terrain privé de 11ha, prêté à titre gracieux pour l’occasion. La jauge a été volontairement fixée à 500 personnes, bénévoles compris, pour conserver une dimension humaine. Et communautaire, dans le bon sens du terme.
"Avec cet événement, on souhaitait créer un festival dédié aux musiques électroniques dans leur globalité." Un univers festif à part entière autour de styles musicaux "moins “durs" que dans d’autres rendez-vous dédiés à la hard techno, avec des sonorités plus organiques voire hypnotiques et méditatives. Une énergie musicale créative qu’on retrouve peu dans le milieu underground en France », assurent-ils.
Depuis vendredi et jusqu’à dimanche soir, pas moins de 25 artistes sont accueillis sur site, "dans des styles musicaux qui vont de l’ambient à la techno en passant par le reggae, le dub, ou les musiques afro". Du mix, du live instrumental, des lives machines… Un sacré melting-pot musical.
"Le Feros Festival, c’est un peu une forme de labo, rebondit Cyril. Dans le sens où l’on s’inscrit dans une forme d’exploration sonore. Et sociale aussi, peut-être." Mais qu’on se le dise: "Ici, on n’est pas dans une “rave". C’est une fête avant tout. Même si on entend conserver cet esprit du "vivons heureux vivons caché". Parce qu’on ne veut pas causer de problème. Et qu’on ne veut pas non plus qu’on nous en cause. »
L’événement est pensé comme intergénérationnel. Et sur place, force est de constater que c’est bien le cas. Dès les premières sonorités distillées, les corps s’animent face à la scène, réunissant différents profils.
Des festivaliers parés de tenues décalées et bariolés, comme des jeunes en jean/chemise blanche "propres sur eux". Des quadras aussi, des quinquas. Et même des nonagénaires – les grands-parents d’un membre du collectif –, tranquillement installés sur de confortables fauteuils, en retrait.
"C’est la première fois qu’on vient. On était curieux de découvrir ce qu’organise notre petit-fils. La première des choses qui nous a frappées, ce sont les heures de travail pour construire tout ça. Et puis c’est beau de voir ces gens qui dansent, toute cette vie", glissaient-ils, le regard brillant.
De la vie, de l’énergie, il y en avait à coup sûr ce vendredi soir. Et là est bien ce que le Feros entend catalyser. "Une synergie entre les participants", appuie Sébastien.
Le tout sans faire n’importe quoi. Avec une vraie éthique, dans le respect de l’environnement: "Le verre est interdit sur le site. Et on trie toutes les poubelles". Mais aussi une charte de bonne conduite, "avec un cadre sécurisé et sécurisant qui laisse la place à la différence, dans la bienveillance. Pour nous, il est important que les gens qui viennent ici ne se sentent pas jugés."
1. Les prénoms ont été modifiés.
Un site construit de toutes piècesÀ l’ouverture des festivités, l’organisation semble millimétrée. Les premiers festivaliers s’engagent sur une piste en terre qui mène au cœur du festival. Certains viennent d’Italie, d’Allemagne ou du Royaume-Uni.
Après avoir montré patte blanche, les véhicules s’orientent vers des parkings aménagés. Petit à petit, des tentes se dressent comme des champignons dans les zones de camping dédiées. Les choses sérieuses peuvent commencer.
Un an de travail aura été nécessaire pour en arriver là. L’ensemble du site a été construit de toutes pièces par les "petites mains" du collectif. Et aménagé en une semaine.
"À part l’approvisionnement en électricité, nous n’avons fait appel à aucun intervenant extérieur. Même le système son a été spécialement conçu pour l’occasion." Un travail titanesque qui inspire le respect.
Différents stands sont disséminés ici et là: prévention autour de la réduction des risques et des produits stupéfiants, vêtements, petite restauration… Tout comme des chill-out et autres espaces de repos "coussinés".
Deux scènes différentes ont élu domicile en pleine forêt. Dont une structure en bois de sept mètres de haut, recouverte de flux de leds, représentant une tête de loup, l’emblème de la structure.
Sur celle-ci sont projetées des animations visuelles colorées créées par différents artistes video-jockey (VJ). Le tout prend vie dans une parfaite symbiose avec le son. "On fait danser les images!", sourit l’un d’entre eux.
On accède au dancefloor en passant sous un "tunnel" lumineux, autoporté, réalisé en bambous. À côté de l’impressionnante structure scénique, deux têtes de loup plus petites, mécanisées, s’animent nonchalamment.
Tout autour, feuillages et cimes des arbres sont quadrillés par un show laser. Dire qu’on en prend plein les mirettes relèverait du doux euphémisme. C’est spectaculaire. Magique. "On fait hurler le loup!", sourit Sébastien.
De quoi faire danser près de 500 âmes jusqu’au bout de la nuit. En attendant, sans doute, une 4e édition l’an prochain.
Quel impact sur le site s’interrogeront sans doute certains ? « On sait à quel point ce type d’événement peut susciter des inquiétudes, confie Sébastien. On craint que des débordements se produisent, ou que le site soit dénaturé. Ça fait 15 ans que l’on organise ce genre de manifestations, sans que rien de tout ceci n’arrive. Nous sommes écoresponsables. Beaucoup d’entre nous ont des métiers en lien avec les milieux naturels. Après le festival, le site sera dans un état irréprochable. Dans quelques mois, ici, ce sera un champ de fleurs. »
Var-Matin