Hyperandrogénie : la CEDH refuse de dire s’il y a eu discrimination à l’encontre de l’athlète Caster Semenya

«Un résultat positif» pour «protéger les athlètes», commente Caster Semenya. La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a affirmé ce jeudi 10 juillet que la Sud-Africaine n’a pas eu droit à un procès équitable en Suisse. Mais elle a déclaré irrecevables les autres griefs de la sportive privée de compétition depuis 2018 parce qu’elle refuse de faire baisser son taux de testostérone.
Un revers pour Semenya car, en première instance, une chambre de la CEDH avait, à l’été 2023, avait acté la violation de ses droits au respect de la vie privée et la discrimination dont elle se disait victime. La Grande chambre, sorte d’instance d’appel saisie par les autorités helvètes appuyées par World Athletics, a estimé ce jeudi que la juridiction n’était pas compétente pour se prononcer.
Elle a en revanche fait droit à la demande de la double championne olympique concernant le droit à un procès équitable. Protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ce droit «exigeait un examen particulièrement rigoureux de sa cause».
Or la cour a estimé que cela n’avait pas été le cas de l’examen effectué par le Tribunal fédéral suisse saisi antérieurement par Caster Semenya pour contester la sentence du Tribunal arbitral du sport (TAS), a déclaré Mattias Guyomar, président de la CEDH, lisant l’arrêt de Grande chambre, dont la décision est définitive. La Suisse doit donc verser à Caster Semenya 80 000 euros pour frais et dépens.
Révélée au grand public aux Mondiaux de 2009 à Berlin, Caster Semenya y avait remporté la médaille d’or du 800 m mais son apparence physique et sa voix grave avaient suscité débats et spéculations. L’athlète avait été interdite de compétition pendant onze mois et contrainte de subir des tests médicaux dont les résultats sont restés secrets, avant d’être autorisée de nouveau à courir en juillet 2010. Double championne olympique (2012, 2016) et triple championne du monde (2009, 2011, 2017) du 800 m, Caster Semenya produit naturellement beaucoup d’hormones mâles (androgènes), susceptibles d’accroître la masse musculaire et d’améliorer les performances.
Mais en 2018, le règlement de World Athletics a changé la donne. Ce règlement a été validé l’année suivante par le Tribunal arbitral du sport (TAS, basé en Suisse), puis confirmé par le Tribunal fédéral de Lausanne, qui a mis en avant en 2020 «l’équité des compétitions» comme «principe cardinal du sport», au motif qu’un taux de testostérone comparable à celui des hommes confère aux athlètes féminines «un avantage insurmontable».
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Les recours de l’athlète sud-africaine contre ces deux décisions ont été rejetés mais elle a obtenu gain de cause devant la CEDH le 11 juillet 2023. Une décision qui n’avait toutefois ni invalidé le règlement de World Athletics et ni ouvert directement la voie à une participation de Semenya sur 800 m sans traitement.
En mars 2023, World Athletics a même durci son règlement concernant les athlètes hyperandrogènes. Et en mars dernier, la fédération internationale a approuvé l’introduction d’un test génétique pour conditionner l’inscription des athlètes femmes. La date d’introduction de cette mesure n’a pas été fixée, mais elle pourrait être mise en place pour les championnats du monde de Tokyo cette année (13 au 21 septembre), selon l’organisation.
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