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Roland-Garros : le revers à une main, un geste en voie d’extinction ?

Roland-Garros : le revers à une main, un geste en voie d’extinction ?

C’est un geste raffiné, tenu en haute estime par le puriste, apprécié du curieux derrière son écran. Un coup d’esthète, magnifié dans sa version la plus moderne par Roger Federer ou Richard Gasquet. Avec le Français, retiré des courts pour toujours depuis jeudi, le revers à une main se raréfie un peu plus au sein du circuit pro.

Ce coup jadis signature de Rod Laver, l’arme favorite des John McEnroe, Pete Sampras, Martina Navratilova, et autres Stanislas Wawrinka semble suivre aujourd’hui la même trajectoire que celle empruntée par les raquettes en bois du siècle dernier. «Si on regarde, il n’y en a quasiment plus», observait le néo-retraité Gasquet, l’un de ses rares ambassadeurs. La réalité est implacable : chez les hommes comme chez les femmes, le déclin apparaît inéluctable. On comptait encore une quinzaine d’adeptes dans le Top 100 masculin en 2019. Ils n’étaient plus que huit irréductibles tennismen à la veille du coup d’envoi des Internationaux de France. Et si l’on regarde de près le tableau WTA actualisé, seules trois femmes y ont recours parmi les 100 meilleures : la Suissesse Viktorija Golubic (81e), l’Allemande Tatjana Maria (85e) et la Française Diane Parry (100e).

A Roland-Garros ce dimanche, ils ne sont plus que deux représentants, en ouverture des huitièmes : l’Allemand Daniel Altmaier et Lorenzo Musetti. L’Italien, parmi les outsiders pour l’emporter cette année Porte d’Auteuil, est l’un des deux seuls joueurs de moins de 25 ans à incarner un semblant de relève, avec le Français Giovanni Mpetshi Perricard (32e).

Musetti, 23 ans, fait surtout office d’exception parmi les membres du top 10. Il a, malgré lui, relancé une vieille tradition qui s’était stoppée nette en février 2024 : à l’époque, aucun revers à une main ne figurait dans le top 10, une première depuis la création du classement ATP en 1973. Un demi-siècle plus tôt, c’était l’inverse : seul un joueur parmi les dix meilleurs mondiaux, Jimmy Connors, évoluait avec un revers à deux mains. Le même Connors, bien aidé par Björn Borg, a contribué au fil du temps à inverser la tendance.

Aujourd’hui, le revers à une main doit ses derniers soubresauts à un joueur dont le standing a contribué à le remettre en lumière : Roger Federer. La légende helvète a incité le Canadien Denis Shapovalov ou encore Stefanos Tsitsipas, finaliste de Roland-Garros 2019, à se familiariser avec ce coup. L’Américain Christopher Eubanks a même décidé d’enlever une main de son revers à 13 ans, à force de regarder briller Federer.

Une mécanique soyeuse, bénie par les photographes, lorsque la hanche bascule et que le bras se déploie comme une gifle, ou se rabat soudainement, de sorte à faire tournoyer la balle et obliger l’adversaire à la relever sans la sortir hors des limites du court. Avec cette arme, les possibilités sont légion. Pourtant, «il est normal que l’on en voie de moins en moins», assure Lorenzo Musetti. Dans le tennis d’aujourd’hui, «il n’existe pas de revers à une main qui puisse rivaliser avec un revers à deux mains moyennement bon, en termes de retour et de facilité de jeu», renchérit l’Italien.

Il pointe les évolutions liées au jeu, marqué par des frappes de plus en plus puissantes. Ce qui le rend beaucoup plus difficile à manier, et donc moins efficace qu’auparavant. «Les vitesses ont tellement augmenté par rapport aux années 80 et 90, où il y avait plus de possibilités d’utiliser les variations et le service‐volée», a explicité le 8e mondial, dans des propos rapportés par le média spécialisé Ubitennis.

«C’est plus facile de faire des revers à deux mains, techniquement, quand on commence le tennis», nous confiait Richard Gasquet avant son ultime baroud d’honneur parisien. Lorsqu’on est enfant, poser une main supplémentaire sur le manche permet de mieux contrôler sa raquette, assez lourde malgré des modèles de plus en plus légers, à ces âges. Après avoir pris l’habitude, il y a peu d’intérêt à repasser à une main. Aucun entraîneur ne plaidera en ce sens, à moins d’avoir un revers deux mains vraiment catastrophique.

Autre virtuose du genre, Stan Wawrinka a commencé à apprivoiser ce coup à 11 ans, en suivant les conseils d’un entraîneur qui trouvait que son revers à deux mains n’était pas naturel. Le Suisse, 40 ans, lui non plus pas éternel, concède aussi que jouer à deux mains est plus «logique» car la deuxième main apporte plus de sécurité. Mais «le revers à une main apporte d’autres avantages» comme «l’opportunité d’utiliser un peu plus les angles et d’avoir un slice plus naturel», décortiquait le vainqueur de Roland-Garros 2015 en début de tournoi. Et ne parlez pas à Wawrinka d’un geste en voie d’extinction : «Je pense qu’il y aura toujours des revers à une main, quoi qu’il arrive, a bien insisté le Suisse. Il y en aura toujours.»

Libération

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