«Année blanche», fonction publique ratiboisée, jours fériés supprimés… Les pistes d’économies de François Bayrou

Tous les ingrédients d’une potion bien amère sont réunis. Face à des finances publiques dans le rouge, François Bayrou entend économiser 40 milliards d’euros sur le budget 2026, tout en restant dans la sacro-sainte ligne macroniste qui consiste à ne pas augmenter les impôts et à ne pas toucher aux entreprises. Et en dégageant des crédits pour le réarmement du pays. L’essentiel de cet effort semble donc devoir porter la baisse des dépenses publiques.
En 2024, l’Etat a perçu 1 500 milliards d’euros de recettes, et dépensé 1 670 milliards, chiffre le site du ministère de l’Economie. Le gouvernement entend réduire le déficit de la France, attendu à 5,4 % du PIB en 2025 et à 4,6 % en 2026, avec comme objectif final 3 % en 2029.
Alors que les contributions ont foisonné ces dernières semaines, voici les hypothèses qui sont à cette heure sur la table de François Bayrou, avant la présentation de son plan budgétaire mardi 15 juillet
L’hypothèse qui revient avec insistance consiste à reconduire à l’identique certaines dépenses entre 2025 et 2026, sans augmentation. Mais les ressources espérées de ce gisement d’économies varient significativement selon le périmètre retenu.
D’après la commission des Finances du Sénat, le gel entre 2025 et 2026 des dépenses de l’Etat sur ses missions budgétaires (hormis la défense, la contribution au budget de l’UE et la charge de la dette) pourrait rapporter 10 milliards d’euros.
Pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l’Institut des politiques publiques (IPP), une année blanche pourrait permettre d’économiser entre 5,7 et 6 milliards d’euros.
La piste d’une désindexation des pensions de retraites par rapport à l’inflation gagne du terrain, renforcée par une proposition en ce sens du Comité de suivi des retraites (CSR), et appuyée par plusieurs parlementaires du camp gouvernemental.
Dans le cadre d’une «année blanche», s’abstenir d’indexer les pensions de retraites sur l’inflation rapporterait 3,7 milliards d’euros, selon les chiffres de l’OFCE.
Dans cette équation en 2026, près de 10 millions de ménages dont «la personne de référence est retraitée» verraient leur revenu disponible réduit de plusieurs centaines d’euros, toujours d’après l’OFCE.
Plusieurs pistes ont été avancées ces derniers mois pour réduire le déficit de la protection sociale (Sécurité sociale, assurance chômage, retraites complémentaires), notamment par l’Assurance maladie qui devrait connaître un trou de 16 milliards d’euros en 2025.
Elle a proposé fin juin d’économiser 3,9 milliards d’euros en 2026 en améliorant la pertinence des soins, luttant contre les fraudes, régulant les prix, renforçant la prévention et réformant les indemnités journalières.
Côté assurance vieillesse, dont le déficit est plus faible (environ 6 milliards d’euros en 2025), de nombreux acteurs ont appelé à une mise à contribution des retraités, soit par la désindexation des pensions, soit par une hausse de la CSG, qui pourrait le cas échéant épargner les retraités les plus modestes.
Cela consisterait à ne pas réévaluer les seuils des différentes tranches qui habituellement sont ajustés automatiquement chaque année pour neutraliser les effets de l’inflation. Sans ajustement, des ménages jusque-là non imposables seront soumis à l’impôt et d’autres verront leur niveau d’imposition augmenter, un chiffon rouge agité par plusieurs partis politiques.
Début 2025, les seuils des différentes tranches avaient été réévalués, ce qui avait permis à 600 000 contribuables de ne pas devenir imposables.
En 2026, l’OFCE calcule qu’un gel du barème de l’IR pourrait rapporter 1,2 milliard d’euros, avec une hypothèse d’inflation à 1,1 %.
Le Sénat a estimé que réformer le fonctionnement de «l’archipel» d’opérateurs et d’agences de l’Etat, soit 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs et 1 153 organismes publics nationaux (comme l’Ademe - pour la transition écologique -, l’Agence Bio, l’Agence nationale du sport, etc.), permettrait d’économiser 540 millions d’euros sur plusieurs années.
Mais le gouvernement voit plus grand, visant 2 à 3 milliards d’euros d’économies. Certaines agences pourraient être fusionnées et certaines missions rognées.
Matignon a exhorté fin avril à maîtriser l’augmentation des dépenses concernant la masse salariale de la fonction publique. Une circulaire soulignait que la rémunération des 5,8 millions d’agents publics coûtait 107 milliards d’euros en 2024, en hausse de 6,7 %.
Certaines mesures dites «catégorielles» (concernant certaines catégories de fonctionnaires) ont à elles seules contribué à gonfler la masse salariale de 3,7 milliards d’euros en 2024.
Le gouvernement pourrait aussi actionner le levier des réductions d’emplois. Le ministre de l’Economie, Eric Lombard, disait début juin vouloir engager la «baisse du nombre de fonctionnaires», tout en se gardant d’en préciser le nombre.
Le Sénat préconise de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’Etat (l’une des trois branches, à côté de l’hospitalière et de la territoriale), avec 500 millions espérés à la clé.
En 2025, après l’abandon de la suppression de 4 000 postes dans l’Education nationale, le projet de budget amendé par le Sénat prévoyait la création de 3 076 emplois pour l’Etat et la suppression de 812 postes au sein des opérateurs.
D’autres pistes sont évoquées pour améliorer les finances publiques. Parmi elles, celle de «rationaliser» les aides publiques aux entreprises, prônée par la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. Selon une commission d’enquête sénatoriale, ces aides ont atteint l’énorme chiffre de 211 milliards d’euros en 2023.
Ou encore taxer davantage les plus riches : ceux gagnant plus de 250 000 euros par an doivent actuellement payer une contribution qui garantit un niveau minimum d’imposition de 20 % (CRDH). Mais la gauche rêve d’obtenir une «taxe Zucman» (inspirée par l’économiste français Gabriel Zucman) sur les 1 800 contribuables «ultra-riches» ayant plus de 100 millions d’euros de patrimoine, en prélevant 2 % par an de celui-ci, pour un rendement annuel de 20 milliards d’euros.
L’idée d’augmenter la TVA pour compenser des baisses de cotisations pesant sur le travail, soit une «TVA sociale», est fortement rejetée par la gauche et le Rassemblement national, ce dernier menaçant le gouvernement de censure si elle venait à être retenue.
Enfin, dans la dernière droite, la Tribune évoque ce dimanche de nouvelles hypothèses concernant le marché du travail, qui pourraient permettre «d’économiser entre 5 et 10 milliards d’euros par an» : supprimer certains jours fériés, durcir le recours aux ruptures conventionnelles ou encore faciliter l’emploi en temps partiel.
Libération