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Au procès du groupe d’extrême droite AFO, un des chefs jongle entre déni et trous de mémoire

Au procès du groupe d’extrême droite AFO, un des chefs jongle entre déni et trous de mémoire

« L’objectif était de se défendre et de défendre nos familles en cas de grabuge ». À la barre, Bernard S. le répète calmement, sous les yeux de la quinzaine d’autres prévenus, ex-membres du groupuscule AFO, accusés d’avoir fomenté de multiples actions islamophobes entre les étés 2017 et 2018. Tous sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste.

Le chef de la section Île-de-France se montre cordial avec la présidente mais le contenu des échanges, lui, l’est beaucoup moins. L’homme, aujourd’hui âgé de 76 ans, était l’organisateur de réunions où des membres maniaient armes à feu, napalm et autres cocktails molotov. Selon l’accusation, il participait aussi à la fabrication de grenades et constituait un relais régulier de diatribes islamophobes auprès des autres membres. Dans un mail retrouvé par les enquêteurs, Bernard S. se disait prêt à « des actions fermes et déterminées pour lutter contre l’islamisation de la France ». Il évoquait même ces objectifs meurtriers lors des entretiens de recrutement des nouveaux membres du groupe. « C’était de la provocation, quelque chose d’extrême pour voir les réactions », s’est défendu le septuagénaire jeudi.

À l’entendre, ces projets anti-musulmans n’en étaient d’ailleurs qu’au stade embryonnaire, des « élucubrations » prononcées dans ces réunions où les formules islamophobes étaient monnaie courante et ne choquaient personne. Les membres d’AFO imaginaient, par exemple, jeter une grenade dans la « voiture des Arabes » au cœur d’une rue bouchonnée, de « tuer 200 imams » ou encore d’injecter du cyanure dans de la nourriture halal avant de la reposer en rayon. « Quel intérêt si on exclut toute morale, toute humanité ? Ça ne rimait à rien, si ce n’est tuer des femmes et des enfants », explique aujourd’hui l’ancien consultant en ressources humaines, prompt à se défausser sur d’autres membres du groupe, sans les nommer toutefois. « J’ai appris à ne pas cafter à l’école de la République », se justifie-t-il.

Au contraire, à l’entendre, Bernard S. se démenait pour empêcher ces opérations de se concrétiser. Quid alors du document retrouvé chez lui, répertoriant un modus operandi détaillé des actions futures ? « Une liste repoussoir pour leur montrer qu’ils n’étaient pas capables (de passer à l’acte, NDLR) », assure l’accusé. Les grenades confisquées, dont les deux tiers sont à vocation offensive ? C’était « pour les moments où il faudrait faire face à une intrusion. D’ailleurs, il n’y a pas de quoi se vanter de leur efficacité », assure celui qui estime, après une lecture très personnelle du Coran, que « l’Islam n’est pas compatible avec les valeurs de la République ».

Devant chaque élément mis en avant par la présidente lors de l’audience, Bernard S. minimise, contourne, élude. Comme à propos de ce mail élogieux qu’il avait envoyé à l’artificier du groupe, pour le féliciter. « C’était uniquement dans le but de remotiver les troupes », dit-il. Marié à la maire d’un petit village du Val-d’Oise, notre homme se présente davantage en moniteur de colonie qu’en chef d’un groupuscule d’extrême droite islamophobe. « Il fallait discipliner tout ça, j’aime bien quand les choses sont claires, insiste-t-il. Je n’ai pas confiance en une partie des gens autour de moi. »

Est-ce pour les canaliser qu’il assure, dès la création du groupe, que « chaque membre possédera, en plus de son équipement adapté, un couteau et une arme de poing » ? « Tout partait dans tous les sens, chacun disait tout et n’importe quoi », se rappelle-t-il. Il fallait « leur donner des objectifs », c’est dans ce but qu’il a « répertorié des bâtiments et véhicules cibles ». Lesquels ? Le retraité a soudain un trou de mémoire. Pour justifier sa demande d’établir « des opérations locales, meurtrières » auprès de Guy S., le créateur du groupe, il affirme qu’il voulait « le mettre au pied du mur », fatigué du « gloubi-boulga » que lui servait le leader d’AFO. « C’est lunaire comme défense, on dirait qu’on est sur Netflix », souffle un avocat des parties civiles, estomaqué par le toupet de l’accusé.

Dans d’autres situations, ce chevalier blanc d’AFO se contentait pourtant d’obéir, lui qui accable policiers comme gendarmes, « ces fonctionnaires soumis aux ordres de politiques qui n’ont pas forcément la colonne vertébrale pour formuler des indications adéquates ». Comme lorsqu’il se faisait la courroie de transmission, par mail, de textes islamophobes issus de sites comme Réveil patriote ou Guerre de France, dénonçant « l’emprise musulmane qui s’installe en France ». Devant la justice, Bernard S. l’assure : il « obéissait », mais n’était pas d’accord avec ces textes. De quoi faire tiquer la présidente : « Vous vous présentez comme un résistant, mais là, ce qui frappe, c’est votre docilité. ‘Résistant’, pour vous, cela accroche un peu l’oreille ».

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