Monaco adopte une loi sur la résidence alternée des enfants de parents séparés, voici ce qui va changer

Engagée depuis plusieurs années dans une modernisation du droit de la famille, la Principauté de Monaco vient de franchir une nouvelle étape avec le vote, ce mercredi soir au Conseil national, d’un projet de loi portant sur la résidence alternée des enfants de parents séparés.
Le texte, résultant de la proposition de loi n°261 adoptée par les élus il y a presqu’un an, prévoit que le juge tutélaire peut, "lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant" le justifie, "ordonner une résidence en alternance au domicile de chacun de ses père et mère", et ce même en l’absence d’accord d’un ou des deux parents.
"Une preuve de progrès" pour l’élu Guillaume Rose, "une avancée majeure", selon Karen Aliprendi, "un choix d’équité" aux yeux de Maryse Battaglia.
Avec cette réforme, en effet, la cité-Etat s’inscrit désormais dans le respect des conventions internationales qu’elle a autrefois ratifiées, notamment la Convention de New York du 20 novembre 1989, qui stipule que "l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale".
La période "provisoire" devient facultativeJusqu’alors à Monaco, la résidence alternée, introduite dans la loi n°1450 du 4 juillet 2007, ne pouvait être prononcée par le magistrat qu’avec un accord mutuel préalable des parents.
Ce qui, dans le cas de conflits entre les deux, pouvait enliser la situation, notamment judiciaire, au détriment de leur progéniture et de son bien-être.
"Le cadre actuel pénalisait injustement le parent non gardien, souvent le père", avait d’ailleurs fait remarquer l’association SOS Divorcés Monaco, l’une des 8 entités sollicitées dans le cadre du travail législatif.
Initialement, le gouvernement princier souhaitait que la résidence alternée soit d’abord, et systématiquement, ordonnée "à titre provisoire" pour une durée déterminée, avant que celle-ci ne devienne définitive (ou, à défaut, que la résidence soit fixée chez l’un des parents).
Au terme d’un dialogue institutionnel, l’exécutif a accordé au Conseil national que ce caractère provisoire demeure facultatif dans la décision du juge.
"La Commission [des Droits de la Femme, de la Famille et de l’Égalité] s’est inquiétée des dérives prévisibles de l’adoption d’un mécanisme (...) qui pourrait être interprété comme une ‘‘période de probation’’, susceptible d’inciter, dans les situations les plus conflictuelles, à des manœuvres préjudiciables pour obtenir in fine une décision judiciaire plus favorable à l’une des parties", a argumenté, dans son rapport, l’élue Christine Pasquier-Ciulla.
Autre argument: réduire le risque de complexification de la procédure dans un contentieux déjà particulièrement dense. Enfin, l’élue a rappellé que toute décision relative à l’autorité parentale est révisable dès lors qu’une partie (père, mère ou ministère public), en présence d’un fait nouveau, saisit le juge.
"Résidence alternée ne veut pas dire alternance du conflit"Avant le vote de ce texte qui n’a souffert d’aucunes voix dissidentes, la ministre d’État par intérim, Isabelle Berro-Amadeï, avait pris la parole.
"Le droit n’est pas seulement un cadre: il est aussi un accompagnement, un garant et, parfois, un levier d’apaisement dans les parcours de vie fragilisés, a-t-elle déclaré. À travers ce texte, nous réaffirmons que l’intérêt de l’enfant ne saurait être tributaire des conflits d’adultes, et que la puissance publique a pour mission de poser les repères justes et stables autour desquels l’enfant pourra continuer à se construire."
Même discours de l’autre côté de l’Hémicycle, avec Christine Pasquier-Ciulla, qui estime que "résidence alternée ne veut pas dire alternance du conflit mais permanence du lien".
"Dans les conflits enkystés, cela permettra à l’enfant de passer autant de temps avec ses deux parents et donc de tenter potentiellement de s’extraire du conflit de loyauté dans lequel il est trop souvent embarqué. Bien sûr, il n’y a pas de solution miracle en la matière et chaque situation est différente."
"Le texte donne un cap"En effet, avant de se prononcer, le juge tutélaire a la possibilité d’ordonner des mesures d’investigation pour l’éclairer sur la situation et, in fine, sur la meilleure solution à offrir.
"Le juge n’est pas contraint à la résidence alternée mais c’est une possibilité nouvelle qui lui est offerte, car avant il fallait l’accord des parents", salue Christine Pasquier-Ciulla.
Et Béatrice Fresko-Rolfo d’enchaîner: "Le projet de loi ne prétend pas effacer le conflit, mais il donne un cap. Celui du lien préservé, de la continuité aimante et de la reconstruction. Dans une société où les modèles familiaux évoluent, où les femmes prennent leur place et où les pères assument pleinement la leur, nous devons garantir une égalité réelle dans la parentalité après la séparation (...) Ce projet de loi, c’est dire à chaque enfant concerné: ‘’Tu es au centre de nos préoccupations’’".
D’ailleurs, et heureusement, le juge peut prendre en considération l’avis de l’enfant concerné au cours de la procédure, bien que celui-ci ne soit pas parti à l’instance.
Nice Matin