Édito. Report de la loi sur l'audiovisuel public : un camouflet pour Rachida Dati, mais aussi manœuvre politique

La réforme de l'audiovisuel public a été rejetée, lundi, dès l'entame des débats à l'Assemblée nationale. Le texte va désormais repartir en deuxième lecture au Sénat. Un coup dur pour la ministre de la Culture, qui cache aussi une manœuvre politique afin de contourner les amendements déposés par la gauche.
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La réforme de l'audiovisuel public portée par Rachida Dati a été repoussée, lundi 30 juin à l'Assemblée, avant même son examen. La motion de rejet soutenue par toute la gauche a été largement adoptée, par 94 voix contre 38, notamment grâce au renfort des députés du Rassemblement national. Mais c'est aussi et surtout parce que les rangs de la coalition gouvernementale étaient particulièrement clairsemés.
Seulement six députés LR, sur 49, et 23 macronistes, sur 93, ont pris part au vote. Tous les autres ont déserté. Rachida Dati s’était battue pour que la réforme, plusieurs fois reportée et qui vise à créer une holding - France Médias - pour chapeauter et gouverner l'ensemble de l'audiovisuel public, soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée avant l’été. C’est raté.
Certes, il est probable qu’il s’agisse aussi d’une manœuvre du bloc central pour surmonter l’obstruction annoncée de la gauche et permettre au texte d’être débattu plus rapidement au Sénat. Il n’empêche que l’examen va prendre du retard et la ministre de la Culture subit un camouflet qui vient sanctionner sa stratégie erratique.
Tout en promettant que sa réforme visait à renforcer le service public de l'audiovisuel, notamment vis-à-vis de la concurrence des plateformes, Rachida Dati n'a eu de cesse de dénigrer ce même service public. Elle a minimisé ses succès et caricaturé la nature de son audience, réduite, à ses yeux, à un carré de bourgeois privilégiés. Pire : alors que beaucoup redoutent que la gouvernance unique ne menace l'indépendance du servicepublic, la ministre a attaqué publiquement la PDG de Radio France Sybille Veil, et elle a menacé de poursuites un journaliste, Patrick Cohen, dont les questions sur sa situation judiciaire lui déplaisaient. Pour entretenir les soupçons de reprise en main politique, elle ne pouvait pas faire mieux.
Ces propos ont semé la consternation au cœur de la majorité et même au sein du gouvernement. En fait, c'est la méthode, et même le tempérament de Rachida Dati, qui a eu raison de sa réforme. Emmanuel Macron l'avait promue pour son culot, son aplomb, son côté bulldozer. Mais un bulldozer, ça fait des dégâts, et c'est même contre-productif quand on n'a pas de majorité.
D'autant plus quand, dans le même temps, l'étau des affaires se resserre autour de la ministre. Elle est mise en examen depuis quatre ans pour corruption et trafic d'influence, pour avoir perçu 900 000 euros de l'ancien patron de Renault, Carlos Ghosn. Rachida Dati voit la perspective d'un procès se rapprocher, et des enquêtes journalistiques ont suscité des signalements au Parquet, à propos de l'évaluation de son patrimoine ou d'honoraires perçus de GDF-Suez.
Jusque-là atout d'une équipe Bayrou sans grand éclat, Rachida Dati est en train d'en devenir le boulet. Et dans sa chute, elle risque d'entraîner sa réforme tout comme la droite parisienne qu'elle rêve encore de conduire aux prochaines municipales.
Francetvinfo