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La réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille définitivement adoptée par l’Assemblée nationale

La réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille définitivement adoptée par l’Assemblée nationale

Dans Britannicus, Racine fait dire à Junie : «J’ose dire pourtant que je n’ai mérité ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.» C’est le mot choisi par le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, pour évoquer la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Après un examen tortueux, les députés l’ont définitivement adopté jeudi 10 juillet. A l’issue d’un travail de deux ans, le rapporteur (Modem) Jean-Paul Matteï a salué une «avancée démocratique» qui «met un terme à un mode de scrutin dérogatoire qui sectorise l’élection dans nos trois plus grandes villes». Insoumis, RN, UDR, Les Républicains et macronistes ont voté pour ; les députés socialistes, écologistes, Horizons, Liot et communistes ont voté contre. Le texte a été adopté par 112 pour, et 28 contre.

Jusqu’à présent, à Paris, Lyon et Marseille, les électeurs votaient une seule fois, pour leurs conseillers d’arrondissement ou de secteur. Cette spécificité remonte à une loi de 1982 : à l’époque, dans la lignée des lois Defferre sur la décentralisation, le gouvernement socialiste voulait renforcer la démocratie locale en créant deux échelons communaux. Une situation baroque dénoncée par les opposants à cette dérogation, pour lesquels le principe d’un électeur égal une voix doit primer, comme partout ailleurs.

La réforme dite «PLM» instaure donc un double scrutin, via deux urnes : un premier pour le conseil d’arrondissement ou de secteur d’une part ; un second pour le conseil municipal. Soit un scrutin direct pour élire le maire et non plus par secteurs. Le texte instaure également une prime majoritaire de 25 %.

Pour Jean-Paul Matteï, cette réforme du mode de scrutin doit permettre de «redonner du sens au suffrage universel». La réforme répond à un «vœu de plus de quarante ans», selon Sylvain Maillard, député (EPR) de Paris, celui de «mettre fin à un mode de scrutin opaque et inégalitaire» instauré par la loi de 1982 pour des «considérations purement électoralistes». Pour l’élu de la capitale, qui a déposé le texte à l’automne dernier, cette réforme doit corriger une «anomalie démocratique» : le mode de scrutin actuel permet d’élire un maire qui n’a pas obtenu la majorité des suffrages à l’échelle de la ville. Un candidat peut également être élu maire même s’il n’a pas gagné dans son arrondissement ou son secteur.

Les opposants au texte, eux, dénoncent un «tripatouillage» électoral. La députée écologiste de Paris Léa Balage El Mariky critique un «accord de couloir» entre les macronistes et la ministre de la Culture, Rachida Dati, candidate à la mairie de Paris en 2026 et fervente avocate de la réforme.

Pour Stéphane Delautrette (PS), avec cette réforme, un maire d’arrondissement pourrait ne pas être représenté au conseil municipal. Soit un «risque de profonde représentation de la diversité politique et populationnelle en différent secteur et mairie centrale», pointe l’élu de Haute-Vienne. Son collègue Horizons Jean Moulliere déplore également les «trous dans la raquette» de la réforme, notamment sur le partage de compétences entre mairie centrale et mairies de secteurs ou d’arrondissement.

L’adoption du texte marque la fin d’un parcours parlementaire chaotique, vu le sac de nœuds et les intérêts opposés de chaque camp et au sein même des familles politiques. Ainsi des socialistes : le maire de Marseille Benoît Payan est favorable à ce changement de mode de scrutin quand le député de Paris et candidat aux prochaines municipales dans la capitale, Emmanuel Grégoire, est un farouche opposant. Ou de la droite : les sénateurs Les Républicains se sont opposés à la loi alors que les députés LR sont favorables au retour du droit commun dans ces trois villes.

Adopté en première lecture à l’Assemblée en octobre 2024, le texte a été rejeté une première fois au Sénat en avril. Une commission mixte paritaire (CMP), chargée d’essayer de trouver un compromis début juin entre les deux chambres, a échoué. Un revers pour le gouvernement, qui s’est agacé du comportement des élus du palais du Luxembourg. «On n’imaginait pas que le Sénat soit aussi hostile à un compromis et mettrait en échec toute volonté de consensus», pestait fin juin un conseiller ministériel. Sans surprise, le texte a été une nouvelle fois adopté en seconde lecture à l’Assemblée, puis rejeté mercredi 9 juillet dans la soirée par le Sénat. Le dernier mot devait revenir au député ce jeudi, à la veille de la clôture de la session parlementaire extraordinaire.

Les opposants au texte s’en remettent de leur côté au Conseil constitutionnel. A l’Assemblée, LR, socialistes et écologistes devraient déposer des recours. Même chose au Sénat. Les parlementaires opposés au texte déplorent l’absence d’étude du Conseil d’Etat, auquel s’est opposé Sylvain Maillard. Parmi les arguments avancés, figure l’irrecevabilité financière de la proposition de loi, au titre de l’article 40 de la Constitution. «Ce texte va entraîner des charges supplémentaires», souligne un collaborateur parlementaire en pointe sur le texte. Une charge estimée à 15 millions d’euros par la rapporteure du texte au Sénat, Lauriane Josende (LR).

Les opposants alertent également sur une éventuelle atteinte à la «sincérité du scrutin» et un risque d’«illisibilité» à Lyon, alors que trois urnes seront installées les jours de vote (pour les arrondissements, la mairie et la métropole). «Trois urnes le même jour, c’est complexe», tique le même collaborateur. Autre critique avancée, au titre de l’article 72 de la Constitution : la libre administration des collectivités territoriales. La réforme crée «au sein d’une même collectivité, deux niveaux de délibération, deux assemblées coupées l’une de l’autre, sans moyen de communiquer, souligne la même source. Outre la constitutionnalité, c’est un vrai un vrai sujet d’impréparation du texte. On ne sait pas quelles compétences revient à qui.» A huit mois des municipales, la balle est désormais dans le camp des Sages.

Libération

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