Lula repeint le pétrole en vert

Rien n’y a fait. Ni les actions en justice des défenseurs de l’environnement, ni les protestations des populations locales, ni même l’intervention du parquet fédéral. Le 17 juin, dans un grand hôtel de Rio de Janeiro, l’Agence brésilienne du pétrole a mis aux enchères les droits d’exploration de 47 nouveaux champs pétroliers situés près de l’embouchure de l’Amazone et au large des États d’Amapá et du Pará, qui abritent la plus vaste forêt tropicale de la planète.
Le quotidien O Globo fait les comptes : 19 “blocs” ont trouvé preneurs pour un montant total de 989,26 millions de réais, soit près de 155 millions d’euros. Petrobras, la compagnie nationale, associée pour la circonstance au géant américain ExxonMobil, s’est taillé la part du lion en remportant 13 lots. Chevron, l’autre géant américain du pétrole, et le chinois CNPC ont acquis les 6 autres. “La Margem Equatorial [la zone maritime située le long de l’Amazonie] devient la nouvelle frontière pétrolière et gazière du pays”, constate le journal.
Deux jours plus tard, le président Lula a justifié l’opération dans un podcast du blogueur Mano Brown. “Nous voulons ce pétrole. Je suis favorable à ce que nous travaillions sur l’idée qu’un jour nous n’ayons plus d’énergies fossiles, mais je suis très réaliste : le monde n’est pas prêt à vivre sans pétrole”, a déclaré celui qui se présente comme le leader de la transition écologique des pays en développement.
“Lula a une relation historique avec le pétrole, qu’il considère comme une richesse et un progrès”, explique au Guardian le politologue brésilien Sérgio Abranches. Après avoir réussi grâce au pétrole, lors de ses deux premiers mandats (de 2003 à 2010), à financer des programmes de lutte contre la pauvreté – et alors que le Brésil se classe désormais dans le top 5 des pays exportateurs –, il estime que seul le pétrole peut permettre au pays de financer sa transition énergétique. “Pourquoi ne pouvons-nous pas exploiter notre richesse pour en produire une autre, celle de la transition ?” plaide le président Lula.
Une stratégie fortement contestée par les défenseurs du climat. “Le gouvernement mise sur l’exportation, fait remarquer Suely Araújo, de l’Observatório do Clima. Mais même si ces gaz à effet de serre n’augmentent pas nos émissions nationales, ce pétrole exporté brûlera quelque part et aggravera la crise climatique.”
Dans un rapport qu’ils cosignent, l’Institut international du développement durable, le WWF-Brésil et la World Benchmarking Alliance mettent en doute pour leur part les retombées économiques à moyen terme des projets pétroliers et gaziers de Petrobras, la compagnie contrôlée par le gouvernement. “Certains ne pourraient être rentables que si les gouvernements du monde entier décidaient de ne rien faire pour accélérer la transition vers les énergies propres.” Un scénario qui conduirait à un réchauffement minimum de 2,4 °C et à toute une série de menaces gravissimes liées aux phénomènes climatiques extrêmes et à la montée des eaux.
“Dans un monde en surchauffe, le pari de Lula a peu de chances de se révéler payant”, diagnostique l’un des auteurs du rapport. Et à moins de six mois de l’ouverture de la COP 30 à Belém, capitale de l’État du Pará, c’est la crédibilité du Brésil en matière climatique qui est atteinte.
Jean-Luc Majouret
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Selon le rapport annuel “Banking on Climate Chaos”, qui passe au crible les investissements des 65 plus grands établissements bancaires du monde, les banques “ont accéléré le financement de projets liés aux énergies fossiles” en 2024, indique Mother Jones. Une première depuis 2021 qui ne serait pas étrangère à l’élection de Donald Trump en novembre dernier. Quant au classement, “JPMorgan se maintient en tête en tant que premier financeur mondial des combustibles fossiles”, avec 53,5 milliards de dollars de soutien au secteur en 2024, soit une hausse “de plus d’un tiers” par rapport à 2023, rapporte le Financial Times. Pour en savoir plus, c’est ici.
Trajectoire changeante pour le courant marin Kuroshio
Depuis 2017, le Kuroshio – l’un des plus grands courants marins avec le Gulf Stream – fait un écart par rapport à sa trajectoire habituelle, le long du flanc pacifique du Japon. Une déviation qui a sans doute aggravé les conséquences du dérèglement climatique dans l’archipel, rapporte le Mainichi Shimbun. Or cette anomalie océanographique semble toucher à sa fin. Bonne nouvelle ? Pas sûr. Cela ne signifie pas forcément un retour à la normale, relève le Nihon Keizai Shimbun qui rappelle que la trajectoire des vents, moteurs du Kuroshio, est de plus en plus perturbée par le réchauffement de la planète. Pour en savoir plus, c’est ici.
Tous à l’eau en ville
De plus en plus de grandes métropoles adoptent la baignade fluviale face à la multiplication des vagues de chaleur. À partir du 5 juillet et jusqu’au 31 août, trois points d’accès à la Seine seront ouverts aux baigneurs à Paris – à Bercy, devant l’île aux Cygnes et près de l’île Saint-Louis. C’était “l’un des objectifs clés” des JO que d’“inciter les Parisiens à se replonger dans la Seine pour se rafraîchir”, écrit The Guardian. À Berlin, le 17 juin, 300 baigneurs se sont réunis au bord de la Spree pour demander “la levée de l’interdiction de la baignade”, relate le Berliner Morgenpost. À Oslo, Copenhague ou Amsterdam, plonger dans les sites de baignade en eaux libres est désormais une pratique populaire. Pour en savoir plus, c’est ici.
Manger des insectes ? “Beurk”
C’est le faible niveau d’acceptation des consommateurs pour passer à des substituts de viande à base d’insectes. Les différentes tentatives pour encourager à manger des sauterelles, grillons et autres vers de farine “sont vouées à l’échec à cause du profond dégoût du public pour cette idée”, selon une nouvelle étude parue dans Nature dont le Guardian se fait l’écho. L’effet “beurk”, ancré dans les traditions culinaires, et des obstacles économiques freinent le développement des substituts à base d’insectes, pourtant a priori moins néfastes pour le climat. Pour en savoir plus, c’est ici.
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Courrier International