Bordeaux : l’hôtel de Basquiat à vendre pour 4,65 millions d’euros, une goutte dans l’océan des investissements pour le patrimoine

Classé aux monuments historiques et propriété de la mairie, l’hôtel particulier de Basquiat, à Bordeaux, qui a longtemps été la résidence du recteur, est à vendre. Une vente qui devrait permettre de financer la rénovation d’autres monuments
L’hôtel de Basquiat est à vendre. Ainsi en a décidé le dernier conseil municipal. Ce bâtiment est l’un des plus discrets du patrimoine bordelais. Il est vrai qu’il n’ouvrait ses portes qu’à l’occasion des Journées du patrimoine. Le reste du temps, il était occupé par le recteur de l’académie de Bordeaux. Une « tradition » qui s’est interrompue à la rentrée 2024.
En arrivant aux manettes, la majorité écologiste a passé à la loupe les loyers du patrimoine immobilier de la Ville. Celui payé par l’Éducation nationale était bien en deçà de la valeur réelle du bien, 43 000 euros par an, alors qu’il devait atteindre 115 000 euros par an. La Ville a proposé un échelonnement sur six ans pour parvenir à cette somme. Trop cher pour l’Éducation nationale aux prises, elle aussi, avec des restrictions budgétaires.
La bâtisse est un mini-palais Rohan. Un corps central, deux ailes inscrites au registre des monuments historiques depuis 1959 à l’intérieur comme à l’extérieur, un modèle d’architecture néoclassique construit entre 1778 et 1781 par l’architecte François Lhote pour Joseph de Basquiat de Mugriet, conseiller au Parlement de Bordeaux.
Choix cornélienUne fois les clés rendues, la mairie s’est retrouvée face à un choix cornélien : garder ou non le monument dans son patrimoine ? « Il est impossible de transformer ou d’adapter ce bâtiment du fait de son classement, il n’est pas accessible au public en situation de handicap, on ne peut pas y faire du transitoire pour installer des associations. Contrairement à d’autres biens de la Ville, celui-ci n’a jamais été ouvert au public. Nous avons décidé de nous en séparer », indique Delphine Jamet, adjointe en charge de l’administration générale.
« Le fait qu’il soit classé rend impossible toute modification dedans comme dehors. Après, on peut tout faire. Mais à quel prix ? »
L’hôtel de Basquiat sera prochainement mis sur le marché, moyennant 4,65 millions d’euros. Lors des derniers conseils municipaux, l’opposition a entonné le couplet de la « vente des bijoux de famille », proposant aussi de transformer le lieu en extension du musée des Beaux-Arts. Le premier argument agace l’adjointe : « Le patrimoine bordelais, ce sont 500 bâtiments à entretenir… Nous réfléchissons à notre patrimoine à l’aune des besoins hors du centre-ville, celui-ci étant bien fourni. » Quant à la reconversion de l’hôtel de Basquiat : « Le fait qu’il soit classé rend impossible toute modification dedans comme dehors. Après, on peut tout faire. Mais à quel prix ? »
75 millions pour le palais RohanC’est l’une des questions clés pour les collectivités et Bordeaux en particulier. Chaque année, la Ville consacre énormément de moyens à l’entretien du patrimoine. « Il nous faut rattraper le retard pris. » Le produit de la vente viendra donner un coup de pouce à la rénovation du reste du patrimoine municipal. Une goutte d’eau face aux zéros qui s’alignent dans la liste de choses à faire. Un chantier au long cours vient d’ailleurs de démarrer au palais Rohan. Vu son ampleur, il se déroulera en plusieurs tranches et devrait durer entre dix et quinze ans. Le coût estimé à ce jour pour remettre le palais Rohan aux normes est de 75 millions d’euros.
« Quand nous sommes arrivés, nous avons découvert que la commission de sécurité n’était pas passée depuis vingt ans. Nous avons dû réaliser un schéma directeur, sans quoi nous n’aurions pas pu accueillir le public. Le patrimoine bordelais que nous avons récupéré n’était pas en bon état », explique Delphine Jamet. Le seul palais Rohan doit donc subir une lourde campagne de mise en accessibilité. Il va falloir remettre les planchers d’aplomb, désamianter et même revoir tous les lieux d’aisances puisqu’aucun n’est aux normes.
Quid de Ragueneau ?Dans le même périmètre, un autre joyau du patrimoine est au cœur des attentions et lui aussi engagé dans une course : l’hôtel de Ragueneau, qui a longtemps hébergé les Archives municipales. Cet hôtel particulier du XVIIe siècle à la particularité d’avoir sa façade et sa glycine classées. Là encore, il faudra du temps avant de lui donner une destination. Des travaux pour assurer le clos et le couvert sont engagés. « Pendant dix ans, le bâtiment a été laissé en déshérence, nous avons dû engager une étude de mutabilité », explique Delphine Jamet. Avant de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour gérer le lieu que la Ville verrait comme un lieu hybride (culture, artisanat…), plusieurs étapes sont nécessaires. Le plan de sauvegarde du centre-ville prévoit en effet de détruire l’arrière du site pour reconstituer la cour présente à l’origine. Cela suppose une campagne de fouilles archéologiques en amont. Il faudra aussi trouver une destination à l’immeuble Guérin qui est contigu. Cela prendra du temps et coûtera de l’argent. Fourchette estimée, près de 10 millions d’euros.
SudOuest