Dans le Lot-et-Garonne, poubelles et patrimoine ne font pas toujours bon ménage

L’installation de conteneurs enterrés et semi-enterrés en centre-ville crispe dans certaines communes. Exemple à Nérac, où le choix d’implantation de l’un de ces Points d’apport volontaire suscite une levée de boucliers
Là, tout près de l’église. Ici sur la place de l’abbaye. La révolution des poubelles ne passe pas forcément par celle de l’esthétisme. Le point d’apport volontaire, « PAV » pour les initiés, crispe dès lors qu’il s’invite près de vieilles pierres, ou dans un paysage urbain familier. Nérac en est actuellement le théâtre. Son maire Nicolas Lacombe vit la polémique la plus importante qu’il n’ait jamais eue à gérer depuis qu’il porte l’écharpe tricolore. « Je ne l’ai pas vue venir… », confie-t-il.
Dans le centre-ville de la cité d’Henri IV, un PAV est en cours d’installation près de l’Horloge. Impensable pour l’opposition, qui monte au créneau depuis plusieurs semaines, en raison du cachet que revêtirait cet élément de décor.
Nicolas Lacombe insiste. Ce choix est pourtant mûrement réfléchi. « Il y a maintenant deux ans que nous travaillons à la sélection des lieux d’implantation de ces points de collecte avec le Smictom. Pour implanter un point de collecte, qui plus est enterré, il y a plusieurs contraintes : pas de réseaux sous-terrain, pas d’arbres ou de balcons gênant le déport de la grue du camion de collecte ; il faut de la place pour que le camion puisse passer et s’arrêter et, enfin, il faut que chaque habitant soit à 150-200 mètres d’un point de collecte », détaille le maire, bien embarrassé. « Au regard de ces contraintes citées, le seul endroit possible était là où le trou est creusé actuellement. »
L’édile néracais, qui se fait un point d’honneur à répondre à chacun de ses administrés mécontents sur le sujet, argumente : « A Agen, il y a un point similaire face à la mairie et au théâtre ; à Condom, il y en a un à l’entrée des allées monumentales du centre-ville… À Nérac, nous avons prévu de végétaliser deux côtés : côté cours Romas et côté horloge. Cela s’inscrit dans un ensemble paysager. » L’élu concède une mauvaise communication sur ce sujet, dont il ne soupçonnait peut-être pas la sensibilité.
À Saint-Maurin, l’Agglo change d’avisIl n’y a pas qu’à Nérac que le patrimoine et les déchets ne font pas fait bon ménage. Dans l’Agenais, à Saint-Maurin, le maire a dû essuyer une pétition, en 2023, en raison de la volonté de l’Agglo d’installer ces conteneurs sur la place jouxtant l’abbaye du village. Une période « très difficile » pour Jean-Claude Malcayran. « Les citoyens ont créé cette pétition sans même venir échanger avec nous en mairie », souffle-t-il. « Nous avions choisi ce site par commodité. Les conteneurs étaient enterrés ou semi-enterrés. Même l’élu en charge du patrimoine n’avait pas tiqué. » L’Agglo, face à cette levée de boucliers citoyenne, a changé son fusil d’épaule. « Ils ont été installés en deux points. Un à l’entrée du village, en bordure de route ; le deuxième à l’intérieur du bourg. Et force est de constater que c’est beaucoup moins pratique pour les administrés. Surtout pour les personnes âgées qui, sans aide à domicile, ont bien des difficultés à y accéder. » L’élu explique avoir voulu, en 2023, privilégier le confort de ses habitants. « Le patrimoine ne doit pas empêcher les gens de vivre normalement… »
Au Passage-d’Agen également, des « PAV » ont été installés tout près de l’église Saint-Joseph, face à la mairie. Un choix discuté dans le quartier, émanant « de l’Agglomération, validé avec les curés », avance le maire Francis Garcia. Une décision toujours prise en concertation avec la mairie, rétorque Jean Dionis. Lequel va faire basculer six quartiers agenais à l’automne 2025. « Nous avons discuté de ces implantations. Notamment avec les représentants de quartiers. Pour la rue Richard-Cœur-de-Lion par exemple, nous avons longuement hésité, en raison de la présence de l’église des Jacobins. » De même, décision a été prise de ne pas en installer sur le boulevard de la République. « L’esthétique, la présence de commerces… Nous sommes restés vigilants à tout cela. »
SudOuest