Cils trop longs, regard voilé : la plus importante image sainte de Séville a été restaurée. Les fidèles du monde entier sont indignés.

Rien n'est plus sacré pour les Sévillans que leur statue de Maria Santísima de la Esperanza Macarena. Lors de la procession de Pâques de cette année dans la capitale andalouse, qui a, comme toujours, rassemblé des milliers de fidèles dans les rues, tout était encore en ordre. Comme d'habitude, la statue de 1,75 mètre de haut, faite de pin et de cèdre, a été solennellement portée à travers le centre-ville par soixante-dix hommes robustes, les « costaleros ». Les Sévillans ont applaudi avec enthousiasme la Macarena, la couronne d'or sur la tête, en criant « guapa », « guapa », qui signifie « la belle ».

Puis, après la Fête-Dieu, la désagréable surprise survint. Lorsque la Vierge se retrouva sur le maître-autel de son église, la basilique de la Macarena, après une restauration minutieuse, son visage, jusqu'alors doux, avait complètement changé. On était surtout gêné par ses cils trop longs, qui obscurcissaient sa vue. Ses yeux étaient également plus étroits qu'auparavant. De plus, son visage, auparavant d'un teint plutôt olivâtre, avait été poli trop blanc.

« Ce n'est plus ma Macarena, ils n'auraient jamais dû faire ça », a crié une femme âgée aux journalistes de radio et de télévision devant la basilique. Elle était en larmes. Il y a une semaine, déplorait-elle également, la Macarena était restée la même.

En effet, le visage de la Macarena s'était non seulement assombri, ses yeux paraissant désormais plus fermés, mais ses sourcils tombants accentuaient l'effet. « La Macarena a l'air beaucoup plus fatiguée qu'avant », commenta un jeune Sévillan à propos de la Vierge entièrement relookée. Elle devrait être immédiatement enfermée dans la basilique ; elle ne pouvait être présentée aux catholiques de cette façon, écrivit le Sévillan Alvaro Escobedo dans le quotidien « El Mundo ».

Cette restauration malheureuse a également suscité un intérêt au-delà des frontières espagnoles. Le journal britannique « The Times », par exemple, l'a qualifiée d'« opération de chirurgie esthétique ratée ». La statue du saint a survécu indemne à la guerre civile espagnole, mais pas au dernier attentat. L'expression du visage a désormais complètement changé.

Aujourd'hui, les fidèles Sévillans se demandent ce qui a bien pu se passer lors de la restauration générale de leur chère Macarena. Entre le 16 et le 20 juin, le professeur Francisco Arquillo Torres a soumis la Macarena à un « traitement ». La confrérie d'Esperanza Macarena lui avait confié la statue. Après tout, Arquillo, 85 ans, avait déjà restauré la Vierge en 1978 et 1992, toujours à la satisfaction des fidèles. Depuis, il est considéré comme le « médecin de famille » de la sainte. Mais cette fois, il n'a pas réussi.

Le jour même où la Macarena fut présentée au public, Arquillo proposa de réparer les dégâts, mais sa proposition fut rejetée. Les médias espagnols rapportèrent que lors de la dernière restauration, Arquillo avait soumis la statue à un scanner et commencé les travaux sans consulter la Confrérie. Les Sévillans se demandent également pourquoi Arquillo n'a pas réussi cette fois-ci. Par le passé, il avait toujours restauré avec succès des statues de saints et des œuvres d'artistes tels que Pablo Picasso et Goya.

La confrérie, qui compte plus de 17 000 membres, a depuis reconnu sa responsabilité et deux membres de son conseil d'administration ont démissionné. Ils ont déclaré ne pas vouloir modifier la vision de la Vierge. « Nous présentons nos excuses pour le préjudice moral subi par les fidèles », ont-ils déclaré dans un communiqué. Ils reconnaissent avoir agi de manière fautive. Ils s'efforceront désormais d'inverser ce changement, dans la mesure du possible.

On peut se demander si la Vierge pourra retrouver son visage d'origine. Dans un premier temps, des techniciens du prestigieux Institut andalou du patrimoine historique examineront la Macarena et superviseront les futures restaurations. Les experts demandent que les décisions concernant la restauration des images pieuses soient prises uniquement par les institutions étatiques, et non par les confréries.

Au moins, la confrérie de la Macarena a-t-elle mandaté un autre restaurateur au pied levé pour tailler ses cils trop longs et ajouter une touche de blush à ses joues pâles. Mais la Macarena n'a pas encore perdu son air triste.