1,6 millions de signatures contre la loi Duplomb : la gauche exige un nouveau vote

L’électorat de gauche veut en découdre. Les députés socialistes, communistes, écologistes et insoumis aussi. Ces derniers se saisissent du succès de la pétition contre la loi Duplomb sur le site de l’Assemblée nationale, signée par plus de 1,6 million de citoyens, pour exiger un véritable débat sur le projet de loi.
Ce texte contrevient à « la Charte de l’environnement de 2005 » et aux « principes de la déclaration de Rio de 1992 », rappelle le député communiste Stéphane Peu, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), dans une lettre à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
En effet, la proposition de loi permet de réintroduire un pesticide dangereux, l’acétamipride, de favoriser l’installation de méga-bassines qui privatisent l’eau au profit de quelques agriculteurs, de réduire les prérogatives des agences environnementales comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). La pétition doit « faire l’objet d’un rapport de la commission (parlementaire) compétente qui devra entendre des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit », souligne Stéphane Peu, qui souhaite un « débat en séance plénière ».
Acculée, Yaël Braun-Pivet y est ouverte, mais a rappelé dimanche 20 juillet que la discussion « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée ». Aussi le représentant du groupe communiste et ultramarin Stéphane Peu demande-t-il que le « débat soit suivi d’un vote » et rappelle que « le règlement n’en exclut pas la possibilité ».
La cheffe des députés insoumis (LFI), Mathilde Panot, a écrit au président de la République afin d’exiger, comme l’y autorise l’article 10 de la Constitution, une nouvelle lecture du texte de loi. « Le Conseil constitutionnel ayant été saisi (…), vous disposerez de douze jours après la décision de ce dernier, attendue au plus tard le 10 août, pour faire usage de cette prérogative », précise-t-elle dans sa missive.
La secrétaire des Écologistes, Marine Tondelier, demande, elle aussi, un second examen. Auteurs du recours devant les « sages » de la rue de Montpensier, les députés socialistes exigent également, si celui-ci n’aboutit pas, une nouvelle lecture du projet de loi. Ils préviennent d’ores et déjà par communiqué qu’ils porteront « à la rentrée, une proposition de loi abrogeant les graves reculs de la loi Duplomb ». Pour l’heure, Emmanuel Macron ne réagit pas. Il « ne peut s’exprimer tant que » le Conseil constitutionnel n’a « pas rendu » sa décision, a informé à l’Agence France-Presse l’entourage présidentiel.
En poussant à rouvrir une discussion au Palais Bourbon, la pétition fait œuvre de salubrité démocratique. Car c’est précisément d’un débat qu’a été privé l’Assemblée. La proposition de loi censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été déposée en novembre 2024 par le sénateur « Les Républicains » (LR) Laurent Duplomb et non par le gouvernement. Cette manipulation a permis d’éviter que ne soient diligentés une étude d’impact et un examen par le Conseil d’État.
Pis, une fois voté par le Sénat, quand le texte est arrivé à l’Assemblée nationale, ses promoteurs ont fomenté une procédure en vue d’empêcher tout débat sur les 3 500 amendements qui avaient été déposés. Ainsi, le propre rapporteur de la proposition de loi, le député LR Julien Dive, a fait voter le 26 mai une motion de rejet préalable, si bien que le réel contenu de la loi a été négocié dans le huis clos d’une commission mixte paritaire, avant d’être voté en plénière par les centristes, la droite et l’extrême droite.
La pétition contraint les partisans de cette législation, qui ne profitera qu’aux grandes exploitations agricoles, à tenir compte de la mobilisation citoyenne. Marine Le Pen, présidente des députés Rassemblement national (RN), a déclaré que « seul un débat démocratique » était à même de restaurer la « confiance » des citoyens mais aussi de démasquer les « mensonges » proférés par les tenants de la pétition.
Gabriel Attal, chef du parti macroniste Renaissance, demande que l’Anses, celle-là même dont les prérogatives vont être rognées par la loi Duplomb, rende un avis sur la loi avant un nouveau débat parlementaire. La ministre de la Transition écologique, opposée à « titre personnel » à « la réintroduction de l’acétamipride », s’est dite favorable à cette suggestion, ainsi qu’à un débat au Palais Bourbon. Il n’est que du côté de LR que ça ne tangue pas. Selon le sénateur auteur du texte Laurent Duplomb, cette pétition est instrumentalisée pour « mettre la pression sur le Conseil constitutionnel » afin qu’il ne valide pas la loi. On ne peut souhaiter de meilleure issue.
L'Humanité