En Charente, le petit Versailles charentais, une utopie de pierre plus vivante que jamais

Rêve fou des frères Réthoré, le château de la Mercerie est un géant de pierre sorti de sa torpeur après 15 ans de restauration. Au croisement des arts et du patrimoine
Le château de la Mercerie, à Magnac-Lavalette-Villars, détient un record européen au Guinness Book. Il possède la plus longue façade d’Europe jamais construite au XXe siècle, avec ses 220 mètres de longueur. Une façade en trompe-l’œil témoin du rêve fou des frères Alphonse et Raymond Réthoré. Ils voulaient faire du château le « petit Versailles charentais ». Sa construction débute en 1939 par la salle dite des Azulejos, car parées de ces faïences typiques du Portugal, juste en parallèle à l’arrière du manoir originel datant du XIXe siècle sur les fondations d’une ancienne demeure bourgeoise construite au XVIe siècle.
Les deux frères dépensent sans compter. Rien n’est trop beau pour leur château et cette incroyable façade. Conçue telle un décor de théâtre, elle doit accueillir une collection d’œuvres d’art dénichées dans toute l’Europe. Une utopie de pierre qui se fracasse sur le mur de la réalité. Les frères Réthoré sont ruinés. Le rêve s’effondre, figé dans le silence des pierres. Un demi-siècle plus tard, le géant de pierre est sorti de sa torpeur. « Quinze ans, c’est court et ça passe très vite mais, on commence à voir le bout du chantier », respire Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette-Villars.
Sauvetage in extremisLa commune a repris la main sur l’édifice en 2010 et a lancé dans une vaste campagne de restauration. Bénévoles, artisans, chantier d’insertion se relaient au chevet du château. Un sauvetage in extremis quand la toiture menaçait de s’effondrer. « On a fait tout avec presque rien », apprécie l’élu. C’est le plus heureux des hommes sur une pelleteuse pour consolider une partie des fondations de la façade. Le vide derrière, a fait place à une orangeraie. Une salle de 300 m² rénovée en 2023 et ouverte au public l’an dernier. Elle impressionne par ses hauts murs de moellons et sa spectaculaire charpente de bois extrait du massif forestier voisin appartenant au château. Ses immenses baies embrassent le parc. Seule entorse au style néo-Renaissance des Réthoré, le marbre au sol remplacé par du gravier lavé. « Il fallait un matériau moins fragile pour supporter le déplacement des orangers et citronniers en pot », explique Didier Jobit.
Dans le prolongement de l’orangeraie et de la façade, le dernier chantier touche à sa fin au bout de trois ans de travaux. Une résidence d’artistes a été aménagée sur un étage. Elle comprend un logement et un atelier. L’aile terminale du château, laissée volontairement en l’état, offrira à ces créateurs un espace brut, propice à l’inspiration. Un appel à candidatures va être lancé notamment en direction des artisans d’art. Un salon est organisé chaque automne, le prochain étant prévu les 22 et 23 novembre 2025. La résidence, non ouverte au public, pourra aussi se transformer en gîte à l’occasion d’événements privés. Dans son jus, la salle « VIP » pour s’entretenir avec ces hôtes de marque, fait partie des derniers aménagements. Elle viendra clore un chantier hors norme, né d’un rêve et sauvé par une passion collective. Le petit Versailles charentais n’a jamais été aussi vivant.

Anne Lacaud

Anne Lacaud

Anne Lacaud
SudOuest